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FETICHISME CULTURE : PIERRE MOLINIER - JEUX DE MIROIRS - EXPOSITION A BORDEAUX DU 23/09/05 AU 20/11/05.

AURORA | 7 | 9/23/2005
Nous sommes tous des Bordelais(es) !!!
e. et M. | 9/25/2005
LETTRE OUVERTE A J.-L. MERCIE SUR MOLINIER

Le 10 octobre 2005


De Jean-Pierre Bouyxou
à Jean-Luc Mercié,
président du Comité Molinier

Cher président,

J?ai bien reçu la copie de ta lettre à Mme Françoise Garcia, conservatrice en chef du musée des Beaux-Arts de Bordeaux et, à ce titre, grande ordonnatrice de l?exposition Molinier qui s?y déroule actuellement. Je te remercie de m?avoir envoyé ce joli morceau de littérature épistolaire. J?en ai, crois-le bien, apprécié tout le mordant. C?est, comme on dit, « bien tapé ».

Ce qui m?étonne, c?est que tu aies mis aussi longtemps à découvrir que cette dame n?est pas ? et ne peut pas être ? plus fiable que les schlingantes institutions qu?elle représente. Je te signale que j?ai fermement refusé, lorsqu?elle m?a contacté, de participer de près ou de loin à la manifestation qu?elle préparait. Depuis l?éviction de Jean-Michel Devésa, il était évident pour tout le monde (sauf, semble-t-il, pour toi et quelques-uns de tes proches) que l?« hommage » à Molinier allait prendre les piteuses allures d?un embaumement officiel. Tu es déçu par Françoise Garcia ? Tant pis pour toi. La personne désignée par Juppé et ses courtisans pour succéder à Devésa était forcément leur complice. Il fallait, d?emblée, par principe, refuser de se mettre à sa botte.

Tu aurais, bien sûr, réservé le même bon accueil à n?importe quel(le) autre émissaire des beaux messieurs de la mairie. Pour toi, pour vous, l?important n?était nullement de préserver la mémoire de Molinier, c?est-à-dire de s?opposer à sa récupération par les instances officielles. Quoi que prétende une légende absurde et diffamatoire, Molinier n?éprouvait aucune sympathie pour quelque forme de pouvoir que ce fût. Il détestait de Gaulle et les gaullistes, méprisait Chaban-Delmas, abhorrait les honneurs et se contrefoutait de la « reconnaissance ». C?est pour cela qu?une exposition telle que Devésa la concevait, en toute indépendance, était acceptable : elle laissait Molinier à son orgueilleuse et scandaleuse marginalité. Et c?est aussi pour cela que la même exposition, conçue par les valets de la normalisation culturelle, devenait inévitablement de la daube : elle visait à faire de Molinier un artiste respectable, fréquentable, intellectuellement propret. Mal menée, mal reçue par ceux-là mêmes qu?elle cherchait à séduire, l?opération a foiré. Eût-elle réussi, toi et tes amis l?auriez assurément acclamée : ce qui vous chaut est de transformer Molinier d?artiste « maudit » et sulfureux en artiste reconnu, acclamé, digéré, momifié. Autrement dit, en artiste dont vous pourrez toujours vendre de plus en plus cher les ?uvres que vous possédez. Souviens-toi : c?est pour cette raison que j?ai claqué, il y a déjà pas mal de mois, la porte du Comité Molinier. J?accusais le Comité d?être majoritairement constitué de marchands, de spéculateurs, de margoulins. Ce qui se passe aujourd?hui me conforte ? et je le déplore - dans cette opinion.

Puisque nous en sommes à épurer nos comptes, ne nous arrêtons pas en si épineux chemin. Je suis né homme-putain, le recueil de textes de Molinier que tu as publié à l?occasion de l?actuelle exposition parisienne chez Kamel Mennour, appelle quelques commentaires. Je m?empresse de préciser que l?exposition me paraît remarquable et que je n?ignore pas qu?elle te doit beaucoup. Loin d?être négligeable, ton livre contient nombre d?informations passionnantes et de remarques intelligentes ? car tu n?es évidemment pas un con, cela serait trop simple. Disons qu?il est quand même très, très, très au-dessous du texte ? discutable sur divers points de détail mais globalement enthousiasmant ? que tu avais signé dans Molinier. Une rétrospective, le catalogue de la précédente expo chez Kamel Mennour, en 2000.

Je ne vais pas reprendre ton pensum page par page et ligne par ligne. Cela serait fastidieux ? et infiniment trop long. Contentons-nous de le feuilleter, très vite (soyons charitable) et quasi au hasard.

Dans ta présentation, page 25, tu parles de l?extravagante sévérité de Molinier « à l?égard des maîtres du passé ». Je t?informe, puisque tu sembles fâcheusement l?ignorer, qu?il ne se contentait pas d?aimer Léonard de Vinci. Il vouait aussi une profonde admiration à Bosch, à Arcimboldo, à Monsù Desiderio, à Gustave Moreau, à Odilon Redon, à divers préraphaélites et à Rops, pour n?en citer qu?une minuscule poignée. Chez les contemporains, il goûtait fort Ernst, Man Ray, Dorothea Tanning, Bellmer, Balthus ou Magritte, et il manifestait un inlassable intérêt pour une foule de jeunots, connus (Poumeyrol, Spacagna) ou plus inconnus encore que tu ne saurais l?imaginer (Catherine Lalevée, Georges Benoît ou tout bêtement ton serviteur, dont il se fit chier pendant des jours à contretyper un tableau). Figure-toi, ça va t?en boucher un coin, qu?il allait jusqu?à trouver « sensationnels » (c?était son mot) certains dessins de Jean Boullet, et qu?il était loin d?être insensible à la bande dessinée.

Plus loin (page 30), tu fais une énigmatique référence aux « disciples et complices qui allaient recevoir l?enseignement du maître ou, plus prosaïquement, partouzer rue des Faussets ». Pauvre, pauvre, pauvre Mercié ! De qui parles-tu ? Au mieux, et au pire, des quelques coucouples bourgeois, légitimes ou non, dont il aurait accepté, dit-on, de photographier les ébats contre un peu d?argent ? car il était fort pauvre. (Si la chose est vraie, il ne m?en a en tout cas jamais parlé ; c?est dire l?importance qu?il y accordait.) Molinier eut des complices, certes, mais aucun disciple. Il ne se voulait (et n?était) le maître de personne ? fors de lui-même, ce qui était déjà plutôt fortiche. En dix années d?amitié, je ne l?ai jamais vu donner de leçons à quiconque ? et surtout pas des leçons d?érotisme et/ou de sexualité. Il n?avait qu?un souhait : que chacun puisse baiser (ou non) comme il l?entendait, sans avoir à obéir à des règles morales ou sociales. Telle qu?on l?entend depuis la multiplication des boîtes échangistes, la partouze, organisée, programmée et codifiée, représentait tout ce qu?abominait ce partisan de la liberté absolue, de la fantaisie, du désir spontané.

Sautons - sans effort ? plusieurs feuillets. Page 35, nous tombons ? de haut ? sur un passage où Molinier s?indignerait d?apprendre que Joyce Mansour, « la Divine » (sic, sic et encore sic !), est enceinte d?on ne sait quel pedzouille « alors que ce privilège revenait de droit au grand poète André Breton ». Là, Mercié, je te le dis sans fioritures, tu berlures. A aucun moment, ni Breton ni Molinier n?ont sacrifié au culte de la mère pondeuse. Ça emmerdait Molinier de savoir que la belle Joyce Mansour s?était laissée engrosser, mais ça ne signifiait pas qu?il aurait mieux accepté cet enclocage s?il avait été l??uvre de Breton. (Il me souvient de l?avoir entendu glousser de jubilation en lisant à haute voix certain paragraphe de L?Extricable de Raymond Borde : « La pornographie commence avec la grossesse. Avant, tout est merveilleux : baiser, branler, sucer, rêver. Après, tout est sale. Un ignoble cancer dévore le ventre de la femme. L?être aimé se dégrade, il s?alourdit comme une vache, suinte les eaux, fait un gosse comme on fait au pot, et il atteint les limites de l?horreur : il devient une mère. ») Quant à supposer que Molinier ait pu considérer Breton comme une sorte de patriarche tout-puissant, de gourou apte à crachoter à des fins procréatrices sa sublime semence dans le ventre de toute femelle remarquable, c?est tellement aberrant que tout commentaire serait superflu.

Continuons à feuilleter au petit bonheur. Page 43, emboîtant le pas à de précédents commentateurs mais poussant le cochonnet un peu plus loin qu?eux, tu affirmes que « kroumir » est un mot, « sans doute emprunté à Maurice Raphaël » (bigre !), qui signifierait « kabyle » dans un sabir mystérieux. Erreur, m?sieur l?président, erreur. Pendant toute mon enfance bordelaise, j?ai entendu mes parents, mes grands-parents, mes instituteurs, mes voisins et plus généralement les adultes de mon entourage parler familièrement de « vieux kroumir » pour désigner n?importe quel vieillard. A la fois moqueur et affectueux, le terme (dont l?origine exacte m?importe fort peu) était couramment utilisé dans tout le sud-ouest, à Agen comme à Bordeaux, en Dordogne comme dans les Landes. Molinier n?a pas eu à le chercher loin, et son emploi sous sa plume ne justifie pas une note en bas de page ? du moins une note à ta façon.

Page 49, ça se corse. Là, plus que jamais, tu entends parler de Molinier en initié, en expert, presque en intime. Tu cites un texte où il fait référence à une amie et modèle qu?il surnomme Poupée. « On sait peu de chose de la blonde Poupée », affirmes-tu d?un ton sans réplique. Tsssst ! Il aurait suffi d?un peu de jugeote et de quelques recoupements élémentaires pour t?apercevoir que Poupée était le surnom que Molinier donnait à Janine Delannoy, alors mon épouse, qui fut assurément la femme qu?il a le plus photographiée dans cette période de sa vie, voire dans sa vie tout court. Fais l?addition des images où l?on voit ses jambes, son visage ou ses seins, et tu vérifieras qu?elle vient très loin, quantitativement, devant Hanel, Emmanuelle et les autres.

Page 79, tu prends fort au sérieux la « Secte des voluptueux » dont Molinier entreprend de dresser les statuts. « Elle ne comprendra jamais, assures-tu avec un étonnant culot, que quelques proches et amis de passage. » Mon ?il ! Elle ne comprendra jamais rien ni personne, car elle restera de l?ordre du fantasme ou, mieux encore, de la boutade. Tu as tort, crois-le, de prendre pour argent comptant tout ce que raconte Molinier. Dans le numéro de Jour de lettres qui lui fut consacré, Philipe Bordier a eu parfaitement raison de le qualifier de « branleur », au sens amusé que l?on prête à ce mot du côté de Bordeaux : Molinier a été jusqu?à la fin de ses jours un farceur, un galopin, un mystificateur. Relis donc ce que François Weyergans écrivait à propos de James Ensor et de Samuel Beckett : « On dirait que les personnes nées un vendredi 13, et de préférence en avril (...), sont à la fois fantasques, lucides, imprévisibles, drôles, blessées, discrètes, pince sans rire, facétieuses, profondes » (Dans le grenier d?Ensor, Séguier, 1997). Tant que tu n?auras pas saisi l?humour de Molinier, tu n?auras rien compris à lui.

Décortiquer ton texte plus longtemps pourrait, crains-je, s?avérer fastidieux. Je me permets seulement de remarquer, non sans tristesse, que ta rogne contre moi (consécutive, je présume, à ma démission du Comité Molinier) te conduit à des errements regrettables. Passe encore que tu occultes soigneusement mon nom chaque fois que tu aurais dû, en toute logique, le mentionner dans la chronologie et la bibliographie (sommaires, forcément sommaires, je sais !) qui clôturent le volume. Mais tu vas jusqu?à tricher pour éviter toute allusion à moi, si indirecte eût-elle été. Ainsi, le dessin du Grand Combat n° 2 n?a-t-il pas été publié pour la première fois dans Les Orphéons magiques, comme tu le racontes page 41, mais treize bonnes années plus tôt, début 1966, par mes soins, en couverture du programme du premier Festival érotique de Bordeaux.
Dans les « textes publiés » de Molinier, si tu avais eu une once de bonne foi, tu aurais mentionné une note manuscrite que j?ai reproduite en fac-similé (avec transcription typographique) dans le n° 10 de Fascination, page 41, en 1980. Je ne te ferai pas l?affront de la recopier ici, car je suis certain que tu la connais par c?ur. Ce n?est peut-être pas un texte majeur, mais il vaut mille fois certaines phrases griffonnées à la hâte que tu as pieusement recueillies. Il y est question de « la révolte des libertés opprimées contre toute la clique, la racaille caporalisante qui veulent l?asservissement de tout ce qui peut être d?essence humaine ». Ce pourrait être une diatribe contre l?exposition concoctée par Mme Françoise Gracia. Ou contre la façon dont tu as fait paraître Je suis un homme putain. Ou, ne lésinons pas, contre le Comité Molinier.

Comme écrivait l?ami Pierre : « Eh, allez donc, enfoutrés !!! » On ne saurait mieux dire.

Jean-Pierre Bouyxou

PS. Page 163, tu évoques la « longue dédicace reconnaissante à Breton » que Molinier voulait placer en tête du petit livre édité par Pauvert, mais qui fut omise. Molinier l?a soigneusement calligaphiée sur l?exemplaire du livre qu?il m?a donné. La voici tout entière : « A la mémoire de André Breton. » Dans le genre long et reconnaissant, il faut croire que Molinier avait un certain sens de la concision.

Furax | 10/10/2005
Une adapation d'une interview de Molinier, tourne en France en ce moment, c'est à voir ! "Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée"
zoso | 3/7/2006
I'll be BACK! :) ;)
produttori | 2/16/2007
Chi ha fatto questo? E un buon posto per trovare le informazioni importanti!:)
giorgia palmas | 2/22/2007
Luogo molto buon:) Buona fortuna!
libera | 2/24/2007
Dein Aufstellungsort verdient nur gute Woerter. Danke.
totti | 2/26/2007
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