Histoire d'une fin (2).
Durant les vacances de Pâques 2014, mon compagnon d’alors et moi-même partons faire notre « virée » parisienne habituelle avec nos tickets d’expos coupe-file.
Je le trouve fatigué mais je le suis aussi et il fait très froid, bien plus que nous ne nous y attendions.
Nous vivons désormais comme frère et sœur mais à cette occasion, il se montre très gentil envers moi.
Nous allons même, un soir, faire un tour dans « le club BDSM » de la capitale. Nous trouvons la soirée seulement libertine, pareille à celles qu’on peut voir dans un club quelconque un peu olé-olé mais sans plus.
Le BDSM nous semble bien loin, cela nous déplaît et, comme le patron nous annonce de plus tout vouloir changer du décor, nous nous disons que nous n’y retournerons sans doute pas, l’endroit prenant visiblement une tournure qui ne nous convient plus.
C’est pourtant là que nous pratiquerons, en ce soir d'avril, notre tout dernier bondage dans la salle de l’écritoire du marquis de Sade…
En remontant les escaliers rudes d’une station de métro (car je veux acheter Rue de Rivoli un petit souvenir à mon fils), mon ami de ce temps me dit faire un malaise.
Il en a fréquemment, des douleurs qui irradient les muscles de sa cuisse, et il est très essoufflé.
Il se repose un instant à la terrasse d’un Mc Do alors qu’il gèle. Je lui dis d’aller à l’intérieur, il refuse, et de renoncer à la dernière des expositions prévues.
Je pense aujourd’hui qu’il ne veut pas que je la manque car, lorsque je lui propose de rentrer à l’hôtel, il se remet en marche. Il voudra même, le soir venu, aller manger dans notre petit resto de référence. Je lui extorque la promesse d’appeler SOS Médecins à peine regagné notre chambre.
C’est le SAMU qui viendra et fera le diagnostic terrible : infarctus.
Je passe une nuit d’enfer et le retrouve au matin : il est parti à ses risques et périls, signant une décharge car il veut être pris en charge chez lui et par ses amis médecins.
Je rentre de mon côté, le temps qu’on lui fasse les examens nécessaires et que je puisse reprendre mon travail une journée.
Comme il fume beaucoup, la pose de stents s’avère impossible : ce sera un triple pontage.
Je suis là le lendemain de l’opération dans les couloirs et les salles de l’aile de réanimation.
Il est endormi, cireux. Je suis démolie. Je me sens coupable. J’ai peur qu’il s’en aille, que la vie de mon amour s’arrête là.
Alors qu’il reprend un peu de poil de la bête tombe un autre diagnostic : infection nosocomiale.
J’irai tous les jours, avec sa sœur, à l’heure de la visite du médecin, poser la même question : va-t-il s’en sortir ?
Une fois, alors que nous sommes seuls dans sa chambre, il me dit « Tu es la femme de ma vie, je l’ai compris ici et je te demande pardon pour tout le mal que je t’ai fait. ».
J’en prends acte, je pose ma main sur la sienne, pleine de tubes et de fils, je pleure, je suis déchirée et émue à l’extrême et bien au-delà.
Je ne repartirai que le jour où lui-même quittera l’hôpital pour entrer dans une maison de rééducation.
Pendant tout le temps de son séjour là-bas, il me téléphone, ne me donnant que le détail de ses repas. Son portable ne passe pas et il m’appelle avec un téléphone à carte. Et pourtant son portable passe et je saurai bientôt que s’il ne s’en sert pas pour moi : il a d’autres façons de l’utiliser et réjouit sa journée sur ses sites pornos d’élection que je découvre toujours plus « hards ». Mais ce n’est pas le moment de s’inquiéter de ça.
Je n'ai pas pu reprendre mon travail, je reste chez moi, prostrée, je fais une profonde dépression tant je crains pour lui.
Je serai là à nouveau en juillet le jour de sa sortie. Curieusement, son attitude envers moi est franchement inqualifiable : il ne me parle pas, ignore ma présence.
Après son infarctus : mon cœur a trinqué lui aussi et je fais des extrasystoles ventriculaires quotidiennes au nombre de 14000. J’ai même eu une crise de fibrillation auriculaire (qui peut entraîner un AVC).
Pour le reste, nous tentons deux musées : il sort de l’un au bout de dix minutes car il se sent épuisé et il choisit de faire le second dans le sens inverse du trajet indiqué, ce qui lui évite et de me voir et de commenter les œuvres avec moi.
Sa fille doit arriver lorsque je partirai : il m’annonce qu’il ira à Marineland avec elle et ses petites-filles.
Ma belle-sœur, douze ans plus tôt, au cours d’une grossesse sans problème a voulu y amener son aîné : la chaleur lui a provoqué un évanouissement et elle a accouché là, à six mois seulement, d’un grand prématuré qui en a longtemps gardé des séquelles.
A quarante-huit heures de mon départ, je ressens une brulure sur le côté du ventre, j’appelle immédiatement le médecin de garde qui pense à la même chose que moi : je suis en train de déclencher un zona. Heureusement, il me « charge » lourdement du médicament adéquat et la maladie sera enrayée. Il n'est pas utile de se demander d'où sortait ce zona.
Lors de ces « vacances » et plus tard, je lui ai posé souvent la question du comportement qu’il avait eu alors avec moi. Il m’a toujours dit en ignorer les raisons et nous ne sommes jamais allés plus avant, tant il paraissait réellement ne pas avoir de réponse à fournir.
J’allais le revoir encore deux fois cette année-là (2014). Il vint me rendre visite un week-end et fut tout sucre et tout miel (mais toujours comme frère et sœur quant à nos rapports).
Pourtant, lors de ce séjour, je lui proposais enfin de faire « vie commune » tout en insistant bien sur le fait que ce ne serait peut-être pas facile avec mon fils qui venait d’avoir son bac car le père de celui-ci ne vivait presque plus chez nous (une fois par semaine seulement pour le matin où il fallait amener mon gamin à la fac pour huit heures précises) et que mon rejeton voyait donc bien moins souvent son géniteur et se sentait brutalement abandonné totalement.
Il ne releva même pas ma proposition alors que je m’attendais à une grande joie.
Par contre, le soir avant mon départ, alors que j’étais assise devant son ordi à surfer de page en page, j’eus une phrase contre Johnny Depp qui avait quitté Vanessa Paradis pour une actrice bien plus jeune.
Il entra dans une rage folle, me reprochant d’avoir eu autrefois, à 24 ans, une liaison avec un homme marié de vingt ans mon aîné et d’être une hypocrite.
Nous étions en novembre, il faisait froid mais cela ne l’empêcha pas de sortir en claquant la porte, en pyjama bermuda.
Je vis bien que cela n’était pas naturel et, tandis que j’attendais qu’il remonte, je fis un tour dans l’historique de son PC.
J’y trouvai des vidéos pornos, de pire en pire, toutes immensément dégradantes pour l’image de la femme (et je me demandai où l’escalade s’arrêterait) mais surtout deux nouvelles boîtes aux lettres, une Yahoo et une GMX.
Je n’eus pas le courage lorsqu’il rentra dans un mutisme total de lui en parler.
Nous dormîmes comme nous pûmes chacun du côté du lit qui lui était habituel mais en restant le plus éloigné possible l’un de l’autre.
Je lui passai, le lendemain, de mon train, un coup de fil pour lui demander ce que cela signifiait et où nous en étions.
Il coupa le téléphone, me mit dans ses numéros bloqués après m’avoir envoyé un SMS en lettres capitales : « C’EST FINI. TERMINE ».
Je devais recevoir quarante-huit heures plus tard un long mail de lui, très étrange, à la fois de reproches tranchants (la « vie commune » que je ne lui avais pas proposée, tiens donc, alors que je venais de le faire !) et d’un romantisme niais à quatre sous, tant et si bien que j’en « googlais » quelques phrases sur le Net en me demandant d’où il avait bien pu sortir ça.
Comme ce fut notre avant-dernière rupture (car, oui, nous allions nous remettre ensemble une ultime fois), je devais apprendre quelques mois plus tard, que ce « poulet » avait été écrit à quatre mains avec sa sœur !!!
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