Catharsis (2): Chaos Calme.
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Le psy m’a donc promis de façon quasi menaçante de me faire verser des pluies de larmes dans son cabinet afin de « faire mon deuil » et de ne pas somatiser autrement
Comme je ne tiens pas à être trop affirmative à l’avance, j’attends notre prochain rendez-vous.
Mais j’ai tout de même le sentiment qu’il se trompe et que « la recette » des pleurs ne s’applique pas forcément à tout le monde.
On peut « faire son deuil » autrement.
Celles et ceux d’entre vous qui ont lu le roman « Chaos calme » de Sandro Veronesi ou vu l’adaptation cinématographique qu’en a tiré Antonello Grimaldi - un très beau film avec Nanni Moretti - savent que celui-ci peut aussi se faire de manière tout à fait paradoxale.
Tout comme on peut le faire sur un blog.
Je n’ai jamais pleuré mes deuils mais je les ai vécus à ma façon. Les yeux secs.
Peut-être d’ailleurs que je les ai pleurés mais sur un mode détourné, en lâchant les grandes eaux dans des salles de cinéma pour des longs métrages qui ne se prêtaient pas à de tels sanglots mais que j’allais voir par hasard après que quelqu’un de mes proches avait pris le chemin du cosmos…
Par contre, les rêves comptent beaucoup dans ces « deuils » qui sont les miens.
C’est pour cela que j’écrivais hier : « J’ai enfin rêvé de Marden. », l’ « enfin » signifiant que j’étais dans l’attente de ce rêve qui marque pour moi le déclenchement d’un processus.
Je ne rêve que très peu et à part une douzaine de songes érotiques de mon adolescence à aujourd’hui, tous les autres que j’aie pu faire ont été liés à un chagrin d’amour, au fait d’assumer tout d’abord puis de me consoler d’un chagrin d’amour.
Dans le rêve d’il y a trois nuits, j’ai revu Marden.
Je l’ai retrouvé face à moi et ce fut bon de le ravoir charnellement sous mes yeux, doté d’une existence, de mouvements.
Je sais très bien que lorsqu’on les analyse scientifiquement, les rêves ne durent que quelques secondes et que lorsqu’on a ensuite à les raconter, on mettrait des heures.
C’est un bien grand mystère.
Ce rêve était dur, pénible, difficile.
Je revoyais Marden mais exactement dans les mêmes dispositions que celles du jour de notre rupture.
Ses yeux n’étaient pas bons - comme je les lui ai connus la plupart du temps - mais furieux et méchants, arrogants et implacables.
Il est évident que j’aurais préféré le « rencontrer » dans mon songe pour qu’il me dise s’il avait enfin fini de lire « La route » de Cormac McCarthy.
Mais nous étions dans les rues commerçantes de la ville.
C’était lui et ce n'était pas lui.
Loin d’être vêtu « casual » comme à l’accoutumée, il portait un pardessus et un chapeau noirs qui lui donnaient un air (en beaucoup plus grand) de la silhouette que l’Histoire retient de François Mitterrand.
Nous nous disputions quasiment devant chaque vitrine.
A vrai dire, je tentais de l’approcher, de le toucher, pour lui poser encore et toujours la même question « Mais tu es sûr vraiment que tu ne m’aimes plus ? Et depuis combien de temps ? ».
Il mettait alors son coude entre nous pour me tenir à distance et s’écartait ensuite pour s’éloigner sans répondre mais en bougonnant.
Ce ballet se reproduisait des dizaines de fois jusqu’à ce qu’à un moment, je lui arrache enfin un : « Depuis un mois, je suis sûr de ne plus t’aimer depuis un mois. ».
Je me suis réveillée et j’ai été surprise de m’entendre dire à voix haute dans la vie réelle du matin qui commençait: « Depuis un mois, tu parles…Dis plutôt depuis deux mois… ».
Or, ces « deux mois » que je me suis écoutée énoncer dans mes limbes correspondent très précisément à un événement vécu et tout à fait négligeable - m’avait-il semblé à l’époque - par Marden.
Je crois que notre cerveau enregistre tout sur l’instant, même si nous ne percevons pas encore la portée des signaux d'alerte qu'il nous lance, même si à ce moment-là, nous ne sommes pas conscients de cet « enregistrement ».
Je crois aussi que, plus tard, il nous renvoie ces signaux lorsque nous devenons à même de les interpréter.
Ce rêve m’a donné l’occasion de formuler quelque chose dont je suis certaine.
Sa venue dans ma nuit n’avait pas d’autre but : il comble le silence de Marden.
C’est ce que je voulais dire plus haut lorsque je parlais du début d’un processus.
Je suis à peu près sûre que je connais quelque part dans mon inconscient la vérité que, lâchement ( je suis désolée mais je répète aujourd’hui encore cet adverbe), Marden ne m’a pas dite le 13 décembre.
La date « révélée » des deux mois dans ma propre phrase n’est pas anodine.
D’autres rêves viendront peu à peu la compléter.
Et quand je saurai, quand tous les vrais mots auront été mis sur les non-dits ou les mensonges, alors, le deuil sera fait.
Ce qui ne veut pas dire que l’histoire sera terminée.
Les amours inachevées, celles où l’un des deux croyait qu’il lui restait tant et tant de projets en commun à accomplir encore, deviennent de petits fantômes qui vivent leur vie en nous et continuent de tracer leur route, ne se manifestant plus que dans les rêves.
Mais ces petits fantômes sont opiniâtres…
Je sais de quoi je parle : il y a presque trois décennies qu’environ deux fois l’an, je me « transporte » la nuit sur le Ponte dell’Accademia, que j’y ai vingt ans, que je m’y assieds entre les jambes de E. et que nous mangeons des pistaches en mourant de rire parce que nous envoyons d’une chiquenaude leurs écorces sur les touristes qui marchent plus bas.
Ou bien encore, que dans la Venise nocturne et embrumée, nous nous collons l’un à l’autre en nous embrassant à pleine bouche et en dégrafant maladroitement nos jeans.
Pourtant les derniers mots d’E. furent un : « E finita e non saprei nemmeno dirti il perché » (« C’est fini et je ne saurais même pas te dire pourquoi ») qui vaut bien le « C’est fini. F.I.N.I. » de Marden.
Dans un certain temps, c’est avec ce dernier que commenceront des rêves joyeux et apaisés: nous nous y aimerons à nouveau, nous rierons et chanterons, nous descendrons main dans la main manger une crêpe au Grand Marnier dans le petit local du Port de Cassis…
Dans ces rêves, la journée du 29 août 2002 durera éternellement, Marden aura toujours des yeux marron empreints d'une ineffable bonté et une peau d'une incroyable douceur.
Quant à moi, j'y porterai à l'infini une robe poids plume couleur tango et le fouet qu'il posera entre nous sur la banquette du Café de la Gare sera à jamais le signal du commencement d'une alliance BDSM indestructible...
Et si d’aventure, je devais avoir un autre compagnon qui vivrait alors auprès de moi, il n’aurait aucune jalousie à ressentir.
Ces « petits fantômes », comme je les nomme, ne sont pas des rivaux.
Ce sont simplement les empreintes de la survie dans une autre dimension - celle de l’onirisme - de la lumière des étoiles mortes de nos passés, de nos grandes amours et de nos deuils faits…
« Quand je regarde mon cœur et que j’y vois mes stigmates d’amour, je me dis : ceci est ma lumière et nul ne peut me la prendre. ».
(Christine Pawlowska).
PS :
« Catharsis » comporte un troisième et dernier texte que je publierai ici dans la nuit de demain.
PS-bis :
Sur cette note d’il y a quelques jours, l’ami « Poisson Rouge » m’a laissé (nous a laissé) un savoureux commentaire.
Je vous invite à aller le lire, puis à cliquer sur son pseudo. Il vous dévoilera sa véritable « identité » et l’url de son site perso**, entièrement refait depuis cet été, site qui est à l’heure actuelle et ce, depuis quelques années, le meilleur lieu francophone d’informations et de réflexions sur le BDSM.
** Suite à la remarque de Fleurd'Atlas, il s'avère que Poisson Rouge a, en effet, loupé l'inscription de son site sur sa page d'utilisateur KarmaOS.
En attendant qu'il rectifie de lui-même à l'occasion d'un passage, on peut se retrouver sur son "BDSM Info" en suivant le lien que je place ici.
Friday 05 February 2010 à 03h45
par AURORA
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