BDSM soumission, rose

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"...Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir."

Marceline Desbordes-Valmore.

 

Il ferme les yeux, ses yeux de l’intérieur, pour ne pas voir et ne pas être vu.

Ne pas reconnaître et ne pas montrer ces petites nostalgies qui brûlent dans les distances, les émotions et les angoisses bien contenues entre deux feuillets symétriques de carton fin, un peu comme de précieux billets de congés payés annuels qu’il retiendrait, l’aller et le retour, avec un élastique.

L’aller, ce n’est rien mais quelle peur s’il lui arrivait de perdre le retour !

C’est ainsi qu’il va à ses rendez-vous bien organisés, planifiés à l’avance, le Maître...

Les yeux fermés vers l’intérieur.

Sinon, il y aurait de quoi devenir fou  s’il s’arrêtait -ne serait-ce qu’à penser- à ces instants indécemment beaux, si denses et si beaux. Lui qui calcule tout, il pourrait s’étrangler avec les aiguilles affûtées de sa montre, mise scrupuleusement à l’heure d’été.

 

Elle l’attend solaire, soumise, accommodante, elle ne dit rien mais ne lâche pas la prise parce qu’elle y croit. Tenace et forte, elle prend des photos de paysages pour remplir les pointillés, pour donner forme à l’attente. Parfois, elle a besoin de mettre des images colorées à la place de sa solitude, de cette « vie à moitié », entre guillemets, qui enchaîne semaine à semaine comme le grain de sable à l’autre grain de sable, là dans le sablier.

D’une main, elle chasse cette petite vague de souffrance qui s’est emparée d’elle le temps d’une pensée, comme on chasserait une mouche.

Elle sait qu’il faut beaucoup de courage pour s’avouer dans ces circonstances combien elle tient à cette histoire et à ses sentiments.

Tout à l’heure, il sera là. Un taxi le déposera à la porte.

 

C’est à cette même heure tandis qu’elle rentre avec un bouquet de roses sauvages sur les bras, quelques-unes iront dans un vase rond, les autres sur le lit « Et Tu me fouetteras avec elles ou tu me coucheras sur elles, elles ont de toutes petites épines, si tendres et comme un peu velues… » qu’il arrive à la gare.

Immédiatement, il fait le premier numéro en mémoire dans le portable.

Il est soulagé quand il tombe sur le répondeur et dit :

« Chérie, ma chérie, je viens d’arriver. Il fait trop chaud ici. J’en ai assez de tous ces déplacements mais on en est tous là et tu sais ce que c'est que de risquer sa place. Tu me manques déjà. Prends bien soin de toi. Embrasse les enfants… »