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auroraweblog
Je n'ai pas assez de culture et de savoir sur Aldo Moro pour me prononcer mais il y a dans votre texte un souffle, celui de la passion, de l'intime (conviction), les "quoi" et les "qui" de la mémoire.
Vos compatriotes, vos amis et l'avenir parleront peut-être.
Je suis moins inculte sur un homme important.
Joel Faure | 5/21/2008
Permettez-moi, chère Aurora, d'évoquer ici les souvenirs personnels que vôtre série sur Moro a éveillés. J'ai passé deux mois en Italie l'été de 1980. Comme pour tant d'autres, les cours de langue italienne à Perouse ont été le pretexte pour fêter un peu (je venais de finir ma licence en lettres!) et découvrir l'Italie. Là j'ai connu des gens qui militaient dans la gauche extraparlamentaire et j'ai suivi les débats politiques à la presse (La Repubblica, Il Manifesto). J'ai même participé à des défilés à Bologne à l'occasion (je crois) de l'anniversaire de la straghe à la gare ("Spadolini alla stazione / è questa la vera provocazione", l'on scandait). En venant de l'Espagne, qui à peine commençait à se débarrasser du franquisme, je fus fortement impressioné par la richesse des discussions et la vitalité de la gauche italienne. C'est peut-être la raison par laquelle je n'ai pas accordé trop d'attention alors au sentiment du desillusion et de fatigue qui exprimaient quelques uns des militants que j'ai connus. En fait, le retour au privé était à l'ordre du jour. Après, j'ai compris que c'était une des consequences des années de plomb, et un des signes qui annonçaient les temps à venir.
Ivan
ivan M | 5/21/2008
Ça fait pas un livre tout ça ?
B l o w n b l u e | 5/21/2008
Comprenne qui voudra,
moi mon remords ce fut
le malheureux qui resta sur le pavé ...
celui qui ressemble aux morts
qui sont morts pour être aimés.
Idalie Felix | 5/21/2008
Pardonnez-moi d'insister... Sur le moment, j'ai vu dans la mort de Moro une énorme connerie et une impardonnable faute politique de la part des camarades qui s 'étaient trompés, mais, comme le fait fort bien observer Aurora, restaient pour nous des camarades. Néanmoins, je n'ai pas éprouvé de compassion pour Moro, qui était pour moi un politicien bourgeois parmi tant d'autres, peut-être un peu moins malhonnête que la moyenne de la DC, mais sans plus. Je passais sa mort aux profits et pertes de la guerre de classes dont nous étions les "nouveaux partisans". Ce n'est que plus tard que j'ai compris toute la dimension humaine du personnage, et à quel point sone xécution, plus qu'une faute politique, était une faute tout court, une faute contre la morale et contre l'humanité. Non seulement la faillite politique d'une certaine extrême gauche, mais une faillite tout court et pour tous, à l'exception peut-être de quelques "justes"...
Et revoici Berlusconi au pouvoir, avec ce grotesque conseil des ministres à Naples : les ordures au milieu des détritus. Tout ça pour ça !
Idalie Felix | 5/22/2008
Bravo.
J'abonde dans le sens de Blownblue, il y aurait là matière à en faire un livre…
ernest | 5/22/2008
je suis impressionnée
quel "travail"
quelle passion, quelle soif de vrai
mais je te sais passionnée et vraie

je t'embrasse Bella
jeanne | 5/22/2008
Je ne connaissais de l'affaire Moro que la version simplifiée , ou plutôt simpliste , délivrée par les grands médias français. Vos articles m'ayant plongé dans l'italie de la fin des années 70 m'ont conduit à me demander ce que je sais du système politique italien, quelle représentation ai- je d'un parti comme la DC qui fait référence à la fois à la politique et à la religion, du parti communiste italien.....
Merci pour ces ces éclairages , pour ces textes qui conduisent à nous interoger.
Votre série d'articles a été passionnante , je lis toujours avec plaisir vos textes : poèmes , analyses , nouvelles qu'ils traitent de politique de culture ou de BDSM
Philippe | 5/22/2008
Très chers vous tous,.

Joël> Mettons les choses au point : mes compatriotes ne diront pas la vérité (je suis à moitié italienne mais je n’ai jamais eu que la nationalité française). Quant à mes amis (italiens), ils ne veulent qu’une chose : ne plus penser à tout cela, surtout ceux qui comme Idalie ou moi, eurent pour « les camarades qui se trompèrent » les yeux de Chimène…
L’avenir ? A moins que l’un des brigadistes ne parle sur son lit de mort, je ne pense pas que cette vérité verra le jour de mon vivant !
Quelqu’un me faisait fort justement remarquer que des archives qui vont s’ouvrir ces jours-ci aux trente ans échus, on a eu tout le temps de détruire ou de placer ailleurs ce qui « pourrait déclencher un incendie »…

Ivan> L’évocation de vos propres souvenirs m’est précieuse. En effet, 1980,81, 82 sont encore des années de débat riche dans certaines ailes de la gauche.
Mais le poids -et le prix- des années de plomb vont ensuite très vite se faire sentir.
Vous mentionnez l’expression qui devint la devise de beaucoup « il ritorno al privato » (le retour au privé). Chacun reprit sa propre route ou ne milita plus que de façon citoyenne (les centres sociaux etc ).
Merci infiniment de votre témoignage.

Idalie> Je vous jalouse infiniment d’avoir trouvé cette formule choc pour décrire Berlusconi et son Conseil des Ministres à Naples : « des ordures au milieu des détritus ».
Il fallait votre arbalète acerbe pour leur décocher le trait meurtrier !
Mille fois « bravo » !

Jeanne> Bella, si. Pour une fois, je l’accepte.
Mais comme dans « Bella Ciao » qui reste l’un des plus beaux chants des partisans…

Blownblue et Ernest> Grand merci à tous deux.
Mais tant de livres ont déjà été écrits…
J’espère vraiment avoir donné ici l’envie de lire au moins les lettres d’Aldo Moro (qui sont depuis peu en « poche »- voir l’esquisse de bibliographie).
C’est le livre essentiel pour comprendre comment il fut sacrifié à l’intérêt de certains.
Idem pour le film « L’Affaire des Cinq Lunes » (son titre original « Piazza delle Cinque Lune » évoque l’adresse du siège de l’un des services secrets italiens à Rome).
Le générique de fin montre le petit fils d’Aldo Moro, Luca, chanter à la guitare une chanson de sa composition « Maledetti voi, uomini del potere » (Maudits soyez-vous, hommes du pouvoir.).
Je n’en dis pas plus si ce n’est que Renzo Martinelli choisit la forme du thriller pour s’approcher du public jeune, sans succès puisque ce film a rencontré, comme par hasard, de gros blocages de distribution en Italie et n’est en fin de compte, connu que de quelques cinéphiles.
On trouve sa version française pour 5 euros chez les « discount » de DVD. Je vous affirme qu’il vaut le coup.

Philippe> Oui, un parti qui mêle politique et religion comme le fit la Démocratie Chrétienne a forcément une histoire fascinante et trouble. On ne peut détacher celle-ci de celle du Vatican et de ses mystères financiers (voir Loge P2), pas plus qu’on ne peut oublier que certains de ses « grands fondateurs » firent auparavant forcément leurs débuts politiques dans la période du fascisme mussolinien. Ce qui implique beaucoup de choses.
Je ne connais, hélas, que des livres en Italien sur l’histoire de la DC.
Quant au PCI, il fut le plus grand Parti Communiste en Europe. Le plus moderne aussi.
Là encore, sa renaissance après l’époque fasciste est liée en grande partie au monde des partisans.
Et même si officiellement, tout le PCI était contre les Brigades Rouges (ou autres terroristes rouges), il dut y avoir quelques nostalgiques pour se reconnaître en eux.
On sait que les premières armes qu’utilisèrent ces groupes provenaient des caches secrètes des partisans ayant opéré pendant la seconde Guerre Mondiale en Emilie-Romagne.
On a du mal à imaginer qu’ils les trouvèrent tous seuls en faisant des fouilles archéologiques (ce n’était pas leur style).
Sur le PCI vous devriez trouver quelque chose en France dans les librairies, ne serait-ce que sur Enrico Berlinguer.
Et merci de votre fidélité !


AURORA | 5/23/2008
Moi aussi, je vous tire mon chapeau devant ce bel édifice de passion et de raison qui revient sur cette affaire restée bien mal connue en France, comme si les Alpes représentaient une barrière infranchissable de différences entre les situations post-68 de nos deux pays. Je me prends à rêver qu'une seconde Aurora, germano-française celle-là, s'attaque à un autre lieu obscur de notre mémoire, si proche de l'affaire Moro : je pense à l'automne de plomb 1977 en RFA de l'enlèvement de Schleyer à la fin du groupe Baader-Meinhof de la RAF dans la prison de Stammheim. Il se trouve que ces années-là, j'avais l'occasion de séjourner à diverses reprises en Italie et en RFA ; je me souviens très subjectivement et imparfaitement -je ne parle pas italien - des différences de climat dans les deux pays. La tentation de la violence terroriste en Italie ne m'avait jamais paru en mesure d'étouffer malgré tout la voix d'une Italie démocratique et libre, alors que j'avais senti plus nettement la glaciation sécuritaire en RFA, quand "l'affiche rouge" de recherche de la "Bande à Baader" accueillait à la frontière , quand les Berufsverbot fleurissaient, quand s'immiscait le doute d'un escadron de la mort au sein de l'appareil policier allemand. J'en avais retiré la conviction que l'Italie résistait mieux à l'épreuve que l'Allemagne, malgré des soubassements historiques et politiques assez voisins.
Il y a peu, vous confessiez vos craintes que votre travail de mémoire ne fasse chuter la fréquentation de votre blog "étiquetté BDSM", au-delà du cercle d'aficionados ; peut-être ; mais ce que vous avez fait est rare et précieux et cela peut reléguer au loin les questions d'audimat.
Ce sont vos lignes sur Berlinguer qui m'avaient fait vous découvrir en 2004 ; je formule le voeu d'autres retours sur les rives de votre mémoire italo-française et j'en serai le lecteur attentif. Merci.
Jean | 5/23/2008
merci pour ce texte qui re-dit et qui éclaire, et donne à réfléchir.
selva | 5/25/2008
j'ai fini mon tour par toi Aurora et cette série, c'est sûr, je ne pourrai passer chaque week-end, mais je suis heureuse (mon intellect l'est) d'avoir pu suivre cette série, tout ce qui est en relation avec ce genre d'affaires, de crimes internationaux m'interresse, m'interroge, m'interpelle!
peut-être parce que j'ai depuis mon enfance baigné dans un climat semblable dans mon propre pays, et que les lieux où j'évolue actuellement sont propices à l'activisme de tout poil! et que je cherche à comprendre pour ne pas subir, et pour ne pas juger, et ne pas me fourvoyer, tout en conservant mes options prioritaires de non violence, d'action et d'éducation à la paix.
Je comprends les réactions de tes ex camarades qui ne veulent plus parler, et oublier ou taire, , la les vérités sont difficiles à mettre à jour et l'on est parfois si proche du but, sans arriver à le rejoindre. Beaucoup d'affaires même françaises restent peu connues.
Je souris devant les questions d'audimat! il y a des missions bien plus précieuses!
Je te tire mon chapeau Aurora! et te salue, à plus tard. Je te reste unie par la pensée pendant ces mois où je travaille très fort sur moi. Djam te salue aussi.
fleurdatlas | 5/26/2008
Jean et Fleur D'Atlas> Je ne disais pas mes craintes que la fréquentation de ce blog chute à cause de cette série. Si ce blog n’est plus lu que par quelques intimes, c’est bien antérieur à ce mois de mai…
Je constate que depuis les temps de U-blog, la fréquentation de mon blog a beaucoup baissé puisque Google me référence très mal et a mémorisé les notes de mon ancienne plateforme, ne les dupliquant pas dans son répertoire comme des notes de ce blog KarmaOS où elles ont pourtant été "rapatriées".
J'ai donc très peu de visites par "requêtes" hasardeuses mais aussi moins de lecteurs qu'autrefois par des gens qui cherchent du BDSM comme j’en parlais avant alors que je ne publie plus à ce sujet sous le même angle de vision (je ne peux plus poster de sujets prêtant à discussion puisque les modalités d'inscription comme « utilisateur » sur KarmaOS font que répondre ne relève pas de la simple spontanéité comme sur les autres plateformes).
Mon KarmaOS est, de fait, différent de mon U-blog et ma propre attitude est différente aussi : je ne publie plus aussi fréquemment mais par "périodes" et je me permets de longues séries personnelles auxquelles je « tiens » sans… « tenir »…. compte des goûts d’un public.
Je ne fais donc que récolter ce que je sème mais je ne suis pas plus malheureuse ainsi!
AURORA | 5/27/2008
PS: Je suis très contente que le Prix du Jury du Festival de Cannes soit allé à "Il Divo" de Paolo Sorrentino.
Cette vision au vitriol des années de pouvoir de Giulio Andreotti (époque de l’affaire Moro comprise) risquait de ne pas connaître un grand succès en Italie (les droits de retransmission n'avaient été acquis par aucune chaîne de télévision) et les salles des gros circuits de distribution n'y mettaient, elles non plus, guère du leur !.

Cette consécration fera revenir ces gens sur leur décision puisque maintenant ils devront "forcément" aimer le film comme l'a dit Sorrentino en jouant sur "forcément" et "de force" qui se disent de la même façon de l'autre côté des Alpes...
AURORA | 5/27/2008
Bonjour
Je viens de lire (avec retard) votre série sur Moro et au-delà sur les BR et la stratégie de la tension en Italie. Intéressante et documentée. Ce qui est rare sur le sujet.
Je vous remercie de ne pas tombé dans les théories complotistes (pourtant à la mode en ce moment) qui ferrait de Moretti un agent du KGB et de la CIA. Je crois qu’il a surtout été manipulé par des forces qui avaient intérêt à la mort de Moro pour des raisons variées (rivalités politiques, maintien de l’ordre de Yalta…) Comme l’explique assez bien cet agent américain dans le livre d’Emmanuel Amara, Le paradoxe de cela c’est que les BR et les partisans de la lutte armée ont été les défenseurs d’un ordre qu’il croyait combattre.
Enrico Fenza montre aussi dans son livre le genre de personnage qu’est Moretti à la fois autocrate et manipulateur. Il montre comment il se mure dans le silence dès son arrestation. Il n’a d’ailleurs toujours pas parlé depuis ce qui est bien dommage, mais révélateur sur ce qu’il sait.
On retrouve ce type de manipulation aussi dans l’histoire de la Fraction Armée Rouge ou il est montré (depuis l’ouverture des archives de la RDA) que certain avaient des contacts avec la Stasi. Cela ne faisant pas d’eux des agents du KGB mais expliquant certaines manipulations et des textes parfois étranges sur le rôle positif du bloc soviétique.
Il ne faut cependant pas réduire l’histoire de cette période à l’affaire Moro, laissant croire que la stratégie de la tension en Italie n’est qu’un affrontement entre une bande de dangereux gauchiste manipulé et un Etat aux mains de la Mafia (encore une fois ce n’es pas ce que vous dites).
Depuis les années 60 et plus particulièrement 68/69 les luttes sociales sont importantes en Italie (j’entends par lutte sociales les grèves et occupation d’usine, les occupations de facs, les manifs…) Cependant Le PCI, principale organisation de la gauche italienne ne leur propose pas de débouché politique. Berliguer répète à plusieurs reprises tous au long des années 70 que le PCI n’est pas un parti candidat à exercer le pouvoir en Italie (d’une certaine manière lui aussi respecte Yalta). C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il accepte de discuter du compromis historique avec la DC. C’est aussi cette absence de débouché politique qui va favoriser et faire se développer de manière importante l’action extra parlementaire, des action de rue à la lutte armée (contrairement à la France ou l’union de la gauche va de fait marginaliser l’extrème-gauche) . C’est ce que raconte à juste titre Curcio dans son livre interview « A visage découvert ».
Enfin, le PCI va condamner en bloc toute forme d’action extra parlementaire. Son discours ne pas se démarquer de celui du reste de la classe politique. Il va donc laisser le champ libre à la stratégie de la tension mise en place par les divers services secrets.
Cela explique pourquoi aujourd’hui le refus de l’amnistie est une position partagée par la droite et la gauche (si on peut encore l’appeler comme ça…) en Italie et l’extradition de Batisti est été réclamé presque par tous.

Si je dis tous cela c’est par ce que je pense que de la même manière qu’à l’occasion des 40 ans de mai 68 on a reconstruit une histoire de l’extrème-gauche Française (Morgan Sportes expliquant dans son livre sur Overnay que les Maos étaient manipulés par la CIA contre le pouvoir gaullo-communiste…) réduisant toute cette période à des histoires d’affrontement entre services secrets, il ne faudrait pas reconstruire l’histoire de cette période en Italie.
Les années de plombs en Italie c’est avant tout la conséquence des actions d’un Etat qui cherche à briser violement et brutalement le mouvement social de manière à conserver son pouvoir et a une incapacité de la gauche a y répondre. Cette dernière se fourvoie dans deux impasses : le PCI se plie à Yalta et les mouvements extraparlementaires finissent dans la lutte armée.

Ps : bonne trouvaille comme image de fin pour un documentaire sur l’assassinat de Moro. Espérons qu’il sera un jour tourné.

fredoc | 8/6/2008
Fredoc>
Il est bien évident que l'affaire Moro est seulement l'instant de paroxysme des Années de Plomb.
Au-delà du pur affect, c'est d'elle qu'on peut partir pour tenter de les comprendre ou, du moins, de donner envie aux gens de s'intéresser à cette période de l'Histoire italienne et par là même européenne comme vous le laissez bien entrevoir.
Je vous rejoins sur tout ce que vous mettez en avant. L'attitude du PCI est d'ailleurs évoquée quasiment selon l'angle sous lequel vous l'abordez dans la première partie du livre de Battisti "Ma cavale".
On ne peut donc pas être étonnés de la réticence qui subsiste encore dans la gauche (ou ce qu'il en reste) italienne quant à l'attitude à avoir sur une amnistie pour "i latitanti".
Quant à l'Etat!
C'est le jour anniversaire de l'attentat de la gare de Bologne que Berlusconi a déployé ses renforts armés dans les rues il y a quelques jours...
Lui dont le numéro de carte à la P2 en ces années 60-80 est connu de tous!
Mais, comme pour Cossiga ou Andreotti et leurs compromissions de jadis, l'électeur lambda s'en moque...
AURORA | 8/7/2008
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