BDSM Marqui-Sade de fin d'été (2): Le Marquis de Sade au Château de Lacoste (1768-1778).
AURORA | 17
| 9/1/2007
"Si l?analyse du masochisme a été faite -qu?elle plaise ou non- par Gilles Deleuze, celle du sadisme ne l?a jamais réellement été et c?est à chacun de se positionner par rapport à ce mot si souvent utilisé comme un contresens en parcourant Sade."
L'analyse du sadisme a souvent été faite, à commencer par celle de celui que l'on considère généralement comme l'inventeur de cette notion (plus tard récupérée des usurpateurs au nom plus illustre, tels FREUD) : KRAFFT-EBING. KRAFFT-EBING, à qui l'on attribue, sans doute à tort, la paternité des termes sadisme et sado-masochisme sera le premier à débrouissailler de façon efficace et moderne ces concepts, et contribuera selon moi en grande part à l'aura sulfureuse de Sade. Le sadisme chez Sade (très surfait, sinon absent, comme vous le faîtes justement remarquer) résulte d'une analogie très libre entre la symbolique du libertinage chez Sade et certaines relations psycho-affectives. Les lecteurs contemporains de KRAFFT-EBING formaient majoritairement une élite scientifique (bien qu'il se soit formidablement démocratisé par la suite grâce à son immortel "Psychopathia Sexualis") qui avaient lu et compris Sade, connaissaient sa biographie et le contexte historique du personnage.
Purification
| 9/2/2007
Malheureusement, la pente glissante que nous suivons depuis quelques décennies a mis entre les mains d'une plèbe souvent mal dégrossie et toujours mal informée ces ouvrages fondateurs de la psychanalyse, et il n'en fallut pas plus pour que les masses ignares empruntent un peu vite le raccourci Sade/Sadisme, et n'y voient pas une métaphore mais la description longtemps convoitée de quelque mal absolu (que l'on attend toujours).
UlrichLeFelon
| 9/2/2007
Purification> Krafft-Ebbing , dans l'ouvrage que vous citez, affirmait que le "sadisme" , le "masochisme, le "fétichisme" et même "l'homosexualité" étaient une forme de la "paraesthesia", c'est à dire le dévoiement de la libido. Reconnaissez que ça commence à dater un peu, comme théorie! Freud coupla le sado-masochisme . Deleuze les désunit mais ne s'intéressa qu'au masochisme.
J'attends toujours un travail sur le sadisme à la mesure de celui de Deleuze autour de Sacher-Masoch...
AURORA
| 9/2/2007
L'ouvrage que je cite était un ouvrage de vulgarisation (peut-être extrême, j'en conviens). Le temps a cependant vu mûrir grandement les positions du psychanalyste à ce sujet, depuis Psychopathia. De plus, une auto-censure bien compréhensible à cette époque, en particulier alors que la psychanalyse n'en était qu'à ses balbutiements et ne voulait pas effrayer, a poussé KRAFFT-EBING à répertorier l'homosexualité dans les déviances (lui-même, bisexuel notoire tient dans son journal un discours bien différent à ce propos). Ce n'est d'ailleurs pas la théorie de KRAFFT-EBING qui force mon admiration, mais la rigueur implacable avec laquelle il a cherché (et souvent réussi) à exprimer de façon scientifique, carrée et pourtant simple des concepts jusque là tabous et confus. Quant aux théories reposant sur ces concepts, elles ont l'âge qu'elles ont et il est aussi heureux qu'indéniable que du progrès a été fait en la matière.
Quant au travail de DELEUZE sur le masochisme, c'est plus un travail philosophique que psychanalytique. Les psychiatres étant plus répandus que les philosophes (surtout de la trempe de DELEUZE), il est à craindre que vous n'attendiez un certain temps.
Suite et fin
| 9/2/2007
Précision importante, DELEUZE était fut à une période (je ne sais pas si sa réflexion a évolué par la suite) convaincu que les sadiques étaient des masochistes ayant "muté". (Cf. les cut-scenes de son abécédaire).
Purification
Purification
| 9/2/2007
Sourire...J'attendrai, alors! Je préfère nettement les philosophes aux psychiatres et psychanalystes!
AURORA
| 9/2/2007
Je profite de cette opportunité qui m'est donnée de vous féliciter (c'est la première fois que je vous écris sans que vous me sautiez à la gorge). Ce blog est l'une des très rares pages web me permettant d'allumer mon ordinateur sans me lancer, par ennui et désespoir, dans une séance de programmation de 6 heures. Il m'est donc un outil précieux pour combattre une addiction maturbatoire et peu gratifiante à dix-sept ans.
Bien à vous, Purification
Purification
| 9/2/2007
Vous devez vous tromper de blog ou alors m'avoir écrit sous un autre pseudo car je n'ai jamais "sauté à la gorge" d'une "Purification" quelconque... ???
AURORA
| 9/2/2007
Petit pari ? ;)
http://www.ublog.com/AURORAWEBLOG/note/58919
Purification
| 9/2/2007
Aaargh! Oui, je me souviens. Mais, je ne sais pourquoi, je lisais ce soir cette "Purification" comme en provenance d'un clavier féminin... L'avis de la fois précédente demeure toutefois, sans plus vous sauter à la gorge, car je veux prévenir ici tout péril -pour ceux qui atterrissent au hasard d'une recherche quelconque par moteur- de se faire sur mon blog une idée du BDSM qui puisse représenter pour eux un danger quel qu'il soit, physique ou moral. C'est, disons, ma condition unique mais non négociable pour que je fasse vivre ce lieu en paix avec moi-même. Responsable de mes écrits mais aussi de ceux de mes commentateurs, c'est vrai que je ne laisse rien passer et que...je m'énerve parfois!
AURORA
| 9/2/2007
Souvenirs de famille, suite. A Lacoste, Sade a laissé dans les mémoires, si je me souviens bien de ce que me racontaient mes gd-parents il y a une trentaine d'années, une réputation de "grand seigneur méchant homme" dur avec ses paysans, arrogant et désagréable, plutôt que celle de l'ogre mangeur de jeunes filles. Mon brave papet, qui avait son certificat d'études (premier du canton, mesdemoiselles, et jamais une faute d'orthographe) ignorait évidemment ce qu'avait écrit le "divin marquis" comme on dit, et sans doute même qu'il avait écrit... j'étais alors en hypokhâgne dans le sud de la France (nobody's perfect) et il m'intéressait de savoir s'il demeurait des traces des écrivains dans la tête des gens. J'avais donc fait le tour de la région PACA : Giono à Manosque, Char à Céreste et l'Isle/Sorgue, Camus à Lourmarin, Sade à Lacoste, Artaud à Marseille. Mon objectif était complexe : chercher des témoignages de gens qui n'avaient pas LU ces auteurs, ni même vu( et pour cause dans le cas de Sade ou Artaud), mais qui répercutaient des ouï-dire, des légendes, des on-dit, des images, pieuses ou non. Pour ses paysans, Sade était donc un féodal comme les autres, pas libéral pour un sou -- sans doute est-ce aussi pour cela que le château fut pillé, section des piques ou pas : de quoi nous conforter, en tout cas, dans l'idée si proustienne que le moi qui vit et le moi qui écrit sont vraiment deux entités différentes...
Idalie Felix
| 9/2/2007
A la lecture de ces écrits, j'avoue humblement que je fais partie du "troupeau" qui connaît Sade sans jamais avoir approfondi qui était le personnage...
Joel Faure
| 9/2/2007
Bonjour Aurora,
Deux choses en passant.
Lacoste est un lieu spécial, magique, merveilleux pour moi. Chaque fois que je passe par le Lubéron, je m'y rends. Mais depuis que le château est devenu la propriété de qui nous savons c'est une catastrophe. Lacoste est donc devenu pour moi un château mental 5je songe ici au très beau texte d'Annie Le Brun sur le château des 120 journées, etc.).
Deleuze. Un mot destiné à "Purification". Sa lecture de Sacher-Masoch est magistrale. C'est la lecture d'un philosophe qui avait quelque lumière de la et en psychanalyse (il est le co-auteur de "L'Anti-Oedipe" à ce que je sais... et c'est un livre qui a compté et qui compte toujours). Son étude n'est pas clinique, certes. Elle se fonde sur une lecture rigoureuse du texte. Et si Deleuze aborde principalement, centralement la question du masochisme, il n'empêche qu'il esquisse en creux un portrait et une étude du sadisme : il oppose dans de nombreuses pages le sadique au masochiste, ruinant l'usage de l'expression "sado-masochiste" ; et il avance que, bien souvent, au sein d'un couple disons SM, l'élément "sadique" n'est qu'un "sadique masochique". Pour ma part, j'en fais mon miel. Mais, comme Aurora, j'attends avec impatience une analyse équivalente à celle de Deleuze du sadisme.
Bonne journée, JM
jmdevesa
| 9/2/2007
Il existe un ouvrage "à la Deleuze" (bien que beaucoup moins approfondi que celui écrit par Deleuze sur Sacher-Masoch) écrit par Maurice Blanchot, Sade et Lautréamont, publié aux éditions de Minuit. Il y a aussi Sade mon prochain par Pierre Klossowski, aussi publié aux éditions de Minuit et l'ouvrage de Chantal Thomas, Sade, la dissertion et l'orgie, aux éditions du Rivage.
Kate
| 9/3/2007
Sauf erreur de mémoire de ma part, le livre de Blanchot est nettement antérieur à celui de Deleuze. Celui de Klossowski est très intéressant mais, selon moi, trop "imbriqué" dans l'univers de Klossowski et sa problématique, et passez dans l'analyse de celui de Sade, et encore moins des sexualités dites SM (trop rapidement). J'avoue ne pas avoir lu "Sade, la dissertion et l'orgie". Bonne journée, JM.
jmdevesa
| 9/3/2007
JM: Oui, le texte de Blanchot est antérieur et plus philosophique que celui "psychanalytique" de Deleuze sur Sacher-Masoch mais cela ne lui enlève rien de sa valeur. Au contraire, j'estime que des écrivains comme Deleuze et Blanchot ont contribué à reconnaître au SM une pensée, une philosophie, une voix que des gens comme Kraff-Ebbing lui ont refusé, préférant laisser la "perversité" pensante et désirante là où ils la voulaient: dans le caniveau.
Kate
| 9/3/2007
Kate> Tout à fait d'accord avec vous sur Krafft-Ebbing et, bien sûr, quant à Blanchot.
L'analyse du sadisme a souvent été faite, à commencer par celle de celui que l'on considère généralement comme l'inventeur de cette notion (plus tard récupérée des usurpateurs au nom plus illustre, tels FREUD) : KRAFFT-EBING. KRAFFT-EBING, à qui l'on attribue, sans doute à tort, la paternité des termes sadisme et sado-masochisme sera le premier à débrouissailler de façon efficace et moderne ces concepts, et contribuera selon moi en grande part à l'aura sulfureuse de Sade. Le sadisme chez Sade (très surfait, sinon absent, comme vous le faîtes justement remarquer) résulte d'une analogie très libre entre la symbolique du libertinage chez Sade et certaines relations psycho-affectives. Les lecteurs contemporains de KRAFFT-EBING formaient majoritairement une élite scientifique (bien qu'il se soit formidablement démocratisé par la suite grâce à son immortel "Psychopathia Sexualis") qui avaient lu et compris Sade, connaissaient sa biographie et le contexte historique du personnage.