M COMME MANOEUVRES...

 

                  

 

Encore sur la photographie...

Voici une première image. Elle est prise dans un studio : c’est Erik Kroll qui officie ; il apprête son modèle pour une séance de pose. Tout est manœuvre. Manœuvres techniques. C’est à dire que nous sommes dans un moment très concret : mesure des distances, de l’éclairage, du désir de montrer quelque chose, du comment le montrer dans le but de provoquer tel ou tel effet, esthétique dans le cas d’Erik Kroll, grand artiste de la fetish photographie.

Il ne se passe rien. Ce qui se passera c’est ce que, nous, nous imaginerons devant l’image qui sortira de cette séance. Pour le reste, ne se trouvent ici qu’un photographe qui vit de son art et un modèle qui vit de ses poses.

 

Pourquoi vous parler de ceci ? Parce que je l’ai déjà fait, parce que j’ai toujours un peu besoin d’insister sur certains points : sur l’image que l’on voit en définitive, c’est à dire ce que chacun d’entre nous projette sur elle et ce qui s’est passé à l’origine, lors de la prise de vue et qui est substantiellement, fatalement, différent..

Je pense que parmi vous, il n’y en a pas un qui tomberait dans le leurre de penser que la photo fetish montre la vérité du BDSM : elle n’en est que l’allégorie mais dans notre « monde » certains ne sont plus à même de faire ce distinguo. J’ai connu un monsieur qui était très fier d’avoir « engrangé » 15000 photos SM et qui pensait que tout ce qui était dessus s’était réellement déroulé comme on le lui donnait à voir ou mieux encore comme il voulait le voir. Le seul problème étant qu’il finissait par considérer comme « banals » des actes qui n’étaient présentés là qu’au sens figuré…

 

                   

 

Voici une seconde image qui n’est pas d’Erik Kroll. J’ignore son auteur. « Chez nous », on la retrouve sur la plupart des Newsgroups sans référence précise.

C’est une belle photo. A l’origine, je voulais la passer pour mon anniversaire dans… quelques semaines !!!

Tant pis ! Elle va me servir ce soir à vous faire une démonstration.

Que voit-on ? Une femme qui se tient le sein, un beau sein blanc caché sous le vêtement noir. Un sein plutôt opulent sur lequel on voit deux bougies.

Elles tiennent comment à votre avis ?

Si l’on fait un zoom, on voit que celle de droite a un peu de cire à sa base. Vu la position du sein, relevé par la main de la dame et le très léger poids de la bougie d’anniversaire, cela peut suffire en effet à la maintenir ; on peut aussi imaginer un point de colle… N’oubliez pas que nous sommes dans de la photo d’art (érotique certes pour les grincheux, mais d’art tout de même). Que ce soit la première ou la seconde, ces photographies ne sont en aucun cas des instantanés, des témoignages de « vie vraie » mais encore une fois, une forme de métaphore artistique de l’Eros.

 

Or, je n’ai jamais vu interpréter par nos « amis  du monde en noir » cette seconde image que comme une photo « réelle » d’une des pratiques SM hards les plus prisées par nos « hiérarques » : les aiguilles.

Selon ces « visionnaires SM », cette photo donne à voir cet acte ;  pour eux, ici, il y a aiguilles.

 

Le seul problème est que les aiguilles ne sont pas, loin de là, une pratique anodine et que prétendre les voir là où elles ne sont pas banalise un acte qui peut présenter des dangers.

De quel type d’aiguilles s’agirait-il sur cette image? Traverseraient-elles la bougie ? Quid dans ce cas de leur procédé de stérilisation ?

Enfin, le tissu mammaire féminin étant très délicat, on ne s’amuse pas à « picoti picota » comme ça…Il faut être certain qu’il n’y ait pas de kyste méconnu dans la glande du sein etc…

Voilà une « pratique » que nous ne « pratiquons » pas : manque d’attrait mais aussi pour moi, respect de l’intégrité de mon corps et refus du risque de lésions qui pourraient n’apparaître que plus tard…Il n'est cependant pas ici de ma part de volonté de critiquer cette pratique pas plus que de blâmer ceux qui  trouveraient leur plaisir dans sa mise en oeuvre.

Non, moi ce que je veux dire c'est que les aiguilles ne sont comme on dit en "grammaire de texte", ni le "thème" ni le "propos" de cette photo...

 

J’arrête là : vous aurez compris l’esprit de ce post. Il revient une fois de plus sur la nécessité de la prudence, sur le fait de ne pas croire à tout ce qu’on voit , sur le fait d’être très attentif à ce que l’on montre et à ce que l’on en dit ; il y aura hélas toujours un idiot qui après avoir lu qu’il s’agissait d’aiguilles tentera de pratiquer l’expérience sur une malheureuse qui se laissera convaincre … par la photo et le texte qu’on y aura ajouté.

 

Le BDSM n’est pas une sexualité sans risque. Aucune ne l’est d’ailleurs ( sortez toujours couverts !). Mais chez nous, il se trouve que les âneries peuvent faire des dégâts considérables dus aux pratiques en elles-mêmes et à leur multiplicité…

N'en rajoutons donc pas en faisant parler des images qui ne disent pas ce que certains croient ou voudraient croire...