POUR SALUER ETIENNE RODA-GIL ...
Etienne Roda-Gil - Terminé - Roman- Editions Verticales -
Etienne,
“ This melody is a melody for you
”
Gainsbourg disait que la chanson est un art mineur. Sans doute avait-il raison. A dire la vérité, je ne sais pas
Ma famille musicale se situe du côté des anars boiteux et des canards douteux
Pourtant certains d’entre eux pour moi sont des poètes.
C’était quoi le Grand Ferré ?
Et toi-même, Serge ?
Et c’est quoi un Bashung aujourd’hui ?
Etienne Roda-Gil était un « parolier » : joli mot, tiens
Vendeur de mots que vont porter les autres en musique
C’était aussi un écrivain.
Un poète en plus pour moi, donc.
Je sais qu’il est l’auteur de « Joe le taxi », oui, oui, je le sais
. Et puis après ? Il connaissait le père de la nymphette, il y a des cadeaux qui se font parfois entre amis. Ce taxi-là, on ne va tout de même pas le lui reprocher éternellement.
Parce que maintenant, c’est d’éternité qu’il s’agit.
Etienne Roda-Gil nous a quittés aujourd’hui à 62 ans. C’est pas vieux. Une hémorragie cérébrale. Des fois c’est très con , la vie, la mort.
Il y a quelques semaines, le premier mai, il défilait encore derrière la bannière noire et rouge
J’aimais Etienne Roda-Gil, sa crinière léonine blanchie d’anar jamais tout à fait affranchi de la vieille blessure espagnole qu’il avait tentée de mettre en scène dans cette comédie musicale jamais représentée et dont le rôle principal était bien sûr pour l’ami Julien
Cette comédie musicale qui débute par les mots :
« ça commence comme un rêve d’enfant
on croit que c’est dimanche et que c’est le printemps
»
et qui s’achève par ceux-ci :
« Nous serons toujours là
nos enfants après toi, après moi
»
Ce soir en l’écoutant, je m’aperçois du surréalisme de certains de ces textes. Pensons au « Poissons morts » de Julien Clerc.
Et pourquoi ne pas relire en oubliant qu’ils furent chantés par Claude François en pleine vague disco ces quelques mots issus de « Magnolias for ever » ?
« Elle est si forte qu'elle se brise
Elle était fière elle est soumise
Comme un amour qui lâche prise
Qui casse et ne plie pas
Tu lui ressembles
Quand elle tremble
Et dans ta voix
J'entends parfois
Un peu sa voix
Elle te ressemble
Quand elle tremble
Quand elle pleure
Là dans le cur
Des arbres en fleurs
»
Lorsque je les lis, ces quelques lignes me parlent autrement que ne le fait la chanson
Jolie définition du mot « soumise », non ? Et là précisément où on l’attend le moins ; mais le surréalisme d’aujourd’hui c’est ça
Enfin, pour saluer en beauté celui qui s’en va au premier jour d’un mois qui se veut célébration de la « Fête de la musique », et pour commencer à répondre, si l’on veut vraiment s’y atteler, à la question « La chanson est-elle un art mineur ? », je vous propose de relire ce texte : les paroles d’ « Utile », écrite pour Julien Clerc en 1992.
« A quoi sert une chanson
Si elle est désarmée?
Me disaient des chiliens,
Bras ouverts, poings serrés
Comme une langue ancienne
Qu'on voudrait massacrer,
Je veux être utile
À vivre et à rêver
Comme la lune fidèle
A n'importe quel quartier
Je veux être utile
À ceux qui m'ont aimé
À ceux qui m'aimeront
Et á ceux qui m'aimaient
Je veux être utile
À vivre et à chanter
Dans n'importe quel quartier
D'une lune perdue
Même si les maîtres parlent
Et qu'on ne m'entend plus
Même si c'est moi qui chante
À n'importe quel coin de rue
Je veux être utile
À vivre et à rêver
À quoi sert une chanson
Si elle est désarmée? »
Je suis fière d'être de celles qui t'ont aimé, qui t'aimeront et qui t'aimaient...
Et..."Ni Dieu, ni maître", comme chantait l'Autre " Lion" noir et rouge...
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