L COMME LITTERATURE (1) : LA MOTOCYCLETTE ( ANDRE PIEYRE DE MANDIARGUES)...       

 

Elle était assez femelle pour n'attendre d'une cuirasse rien de mieux que le bonheur de la capitulation et le plaisir de la défaite.

 

André Pieyre de Mandiargues-La motocyclette-Gallimard-1963-

 


Curieux qu’il s’agisse à la fois d’évoquer ma « rencontre » avec Pieyre de Mandiargues et, puisque je commence ce « L comme Littérature » par ce livre-ci, de dire qu’il fut aussi mon premier rendez-vous avec mes « tendances » sexuelles futures de par la lecture que je fis de son contenu et non pas par la charge BDSM elle-même qu’il aurait eu (qu’il n’a d’ailleurs pas réellement et qu’il ne revendique nullement)...

 

J’avais quatorze ans et je dévorais tout ce qui se trouvait dans une bibliothèque municipale poussiéreuse dans un village du fin fond du Midi cher à Pagnol, bibliothèque jalousement gardée par une vieille fille comme il n’en existe plus de nos jours, comme il n’en existait déjà plus alors, mais comme j’étais née là, je ne m’en rendais pas compte…

Elle portait un chapeau couleur puce avec une épingle, été comme hiver, c’est tout dire….

 

J’avais deux passions : la lecture et le cinéma.

C’était aussi l’année de la « naissance » du journal « Première ». Je venais d’y apprendre dans une filmographie d’Alain Delon, que je prisais fort en ces temps, qu’il avait quelques années plus tôt, en 1968 très exactement, été l’acteur d’un film anglais « La motocyclette »devenu « invisible », en compagnie de Marianne Faithfull dont je savais alors qu’elle avait été l’un des amours de mon Mick mais pas encore qu’elle était aussi la petite nièce de Sacher-Masoch…

Le film était tiré du roman d’un certain Pieyre de Mandiargues défini par la revue comme « écrivain surréaliste »….

Je venais de découvrir Breton : je voulus lire cette « motocyclette » dite surréaliste…

Je la demandai à la demoiselle-cerbère qui me regarda d’un œil outré et marmonna un je ne sais quoi sur mes parents-qui-me-laissaient-lire-n’importe-quoi….

 

Heureusement, j’avais un peu d’argent de poche et les livres du même nom existaient.

Chez Folio, éditions alors nouvelles nées de Gallimard, je pus faire l’acquisition de l’ouvrage tant convoité…

Et j’y lus l’histoire de Rébecca, fille de libraire, épouse de Raymond, mais qui aime Daniel.

Daniel ou l’érotisme incarné qu ‘elle rejoint à Heidelberg sur sa motocyclette….  De rendez-vous en rendez-vous

Jusqu’à celui qui scellera son destin.

Moi, je compris bien vite que c’était vers cet érotisme là, cet esthétisme là que ma vie allait se lancer à toute allure, avec ou sans motocyclette…

Ce livre demeure encore aujourd’hui mon préféré tant pour son style (j’aime TOUT Mandiargues) que pour le personnage de Rebecca, à peu près ma définition allégorique : farouche et indomptée sur sa motocyclette, soumise et abandonnée face à Daniel, la parfaite maîtrise d’une machine impressionnante, la totale fragilité consentie devant un homme qui attire, tel un aimant….

« Aimant » ? Amant-aimant ?

 

 

« …Mais au lieu de la coucher, comme elle s’y attendait, sur le lit de repos, il l’avait fait monter sur le matelas dur (soutenu par une planche plutôt que par un sommier à ressort), et il l’avait appuyée le dos contre la cloison, sous le tuyau voûté. Ensuite il avait pris la cordelette, il était monté à côté d’elle et il l’avait liée à ce tuyau par les mains (un peu plus haut que la tête) et par les pieds, en sorte que son corps fît une croix oblique et qu’il montrât la figure d’une femme inscrite dans une demi-parabole ! D’après la bonne règle, lui avait dit Daniel à ce moment, il aurait fallu supposer une autre demi-parabole symétrique où son double eût été suspendu pareillement mais la tête en bas, suspendu par les pieds, supporté par les nœuds des poignets. Elle pouvait se vanter d’avoir de la chance de n’être pas à la place de son double ! Après tout, ses pieds posaient sur le matelas. Elle n’était pas dans une position tellement incommode. »

 

La suite, mais aussi ce qui précède, se lisent aujourd’hui, non plus chez Folio mais toujours chez Gallimard dans la collection « L’Imaginaire »….

 

Sur Pieyre de Mandiargues voici un article de Yahoo encyclopédie :

 

Poète, essayiste et romancier français (Paris, 1909 — id., 1991).


Influencées par le romantisme allemand et par André Breton
– plus que par le surréalisme, dont il fréquenta le groupe après la guerre sans s'y être jamais intégré – ses œuvres, d'un style à la fois précieux et baroque, reflètent son obsession de la fuite du temps, sa fascination des rituels subtils et barbares de la mort, du fantastique et de l'érotisme. De ses poèmes, on peut retenir: Dans les années sordides (1940), l'Âge de craie (1961), le Point où j'en suis (1964), Ruisseau des solitudes (1968), l'Ivre Oeil suivi de Croiseur noir et de Passage de l'Égyptienne (1979)...

 Il signe également de nombreux romans: le Musée noir (1946), le Soleil des loups (1951), le Lys de mer (1956), la Motocyclette (1963), la Marge (prix Goncourt 1967); ainsi que des nouvelles: Mascaret (1971), Sous la lame (1976), le Deuil des roses (1983)... Enfin, André Pieyre de Mandiargues est l'auteur de pièces de théâtre (Isabella Morra, 1973; Arsène et Cléopâtre, 1981), ainsi que d'essais critiques (Belvédère, 1958, 1962, 1971; Bona, l'amour et la peinture, 1971; Arcimboldo le merveilleux, 1977).

Conteur avant tout, Pieyre de Mandiargues semble fasciné par la violence, la mort et l'érotisme. Son œuvre est travaillée par nombre de fantasmes et de troubles où se mêlent le désir et le sang. En ce sens, elle tient du roman noir du XVIIIe siècle.

 

 

Et quelques phrases prises ici et là:

 

... cette désolation si singulière qu'il y a toujours dans le regard des monstres.

 

In " Le passage Pommeraye " ( 1958)



 

L'écrivain est une sorte de voyant émerveillé.

 

La poésie, comme l'art, est inséparable de la merveille.


In " L'age de craie " (1961)

 

 

 

 

PS : L’illustration , bien sûr, est un clin d’œil !!!!