« 69, Année Erotique », numéro spécial été 2009 du magazine Pilote.

Barbarella mise au carcan BDSM pour avoir été la première héroïne érotique de BD dans « Merci, Monsieur Forest », une bande dessinée originale © Milo Manara et Pilote, numéro spécial été 2009.

 

Illustration 1: Scan de la couverture du magazine Pilote, numéro spécial été 2009, « 69, Année Erotique » © Pilote et Alex Varenne.
Illustration 2: Barbarella mise au carcan BDSM (pour avoir été la première héroïne érotique de BD) dans « Merci, Monsieur Forest », une bande dessinée originale © Milo Manara.
 
 
 
Nous que l’on nomme les « baby boomers », nous qui sommes la génération qui se prépare soit à être mise au rancard, soit à en baver encore pendant quinze ou vingt ans avant que d’arriver à une retraite qui n’existera peut-être même plus, nous qui avons vu le jour entre 1949 et 1965 (année limite), nous sommes nés en fait en 1969.
C’est le temps qu’il a fallu afin que nous vivions les (pour les premiers) ou que nous héritions des (pour les seconds) - magies de la parenthèse enchantée.
 
Même ceux qui ont poussé leur premier cri cette année-là ne font pas partie du lot des favorisés.
15 ans plus tard, c’était trop tard. Leur adolescence n’était plus porteuse des effluves paradisiaques de l’année-clé.
Ils allaient être, comme tous ceux qui sont venus encore après, simplement des « Beaux Gosses », ne sachant pas d’où leur venait ce vent de liberté qui, quelquefois, les décoiffe.
 
Cette année-là, de l’autre côté de l’Atlantique, un homme marchait sur la Lune, Woodstock allait envoyer ses sons fauves et stridents, John et Yoko - plus du tout Beatles mais tout à fait « stone » - posaient nus et affichaient « War is over if you want it »  et, par chez nous, Gainsbourg rencontrait Birkin, lui chantait un « Je t’aime moi non plus » aussitôt condamné par le Vatican, ce qui n’allait pas empêcher le beau Serge de proclamer « 69, année érotique ».
Et alors que Barbet Schroeder projetait « More » sur les écrans noirs de nos nuits blanches, chez le voisin italien, Guido Crepax lançait la bombe « Valentina », celle qui « disait » déjà le BDSM en images.
 
Accessoirement, le magazine de BD « Pilote », où brillaient les plus grands illustrateurs de l’époque, fêtait ses 10 ans.
 
Accessoirement et non puisque c’est lui qui - paraissant aujourd’hui de temps en temps et seulement quand ça lui chante - nous livre en cet été un numéro spécial sous le parrainage de la 5, 100 pages époustouflantes qui s’intitulent justement « 69, Année Erotique ».
Une revue à se procurer au plus vite, à garder précieusement car elle a tout pour devenir un « collector ».
 
Sous la couverture d’Alex Varenne se cache une mine d’or.
Quarante participants au sommaire pour un état des lieux de l’Eros dessiné et un hommage à ceux qui ont rejoint les cieux « où jamais il ne pleut »…
Manara, Cabu, Wolinski, Baldazzini, Moebius, Druillet, Crumb, Tardi, Brétécher, Blutch, Goetzinger, Liberatore, Killofer (oui, celui qui a illustré Bashung et qui, ici, en met une bonne couche à Sarko !) et tant de leurs semblables au crayon ou au pinceau vigoureux pour pointer « présents ».
Et la mémoire de Lauzier, Pichard, Crepax et d’autres étoiles perdues...
 
Beaucoup d’articles à lire sur l’érotisme évidemment (une « profession de foi » sur le fantasme signée d’Alex Varenne, une extraordinaire participation à la première personne de Romain Slocombe sur les mangas mais surtout sur l’érotisme japonais etc.) mais aussi sur la censure ou la place des femmes dans les artistes « bédéïstes ».
Quant au BDSM, il est partout présent au fil des pages, sain et pétillant de vitalité et d’humour (un « visage » qu’on aimerait lui voir plus souvent…).
 
Un numéro passionnant donc, qui témoigne sans faute de goût aucune du passé glorieux et qui envisage l’avenir un peu tristement à mon goût puisqu’il y est beaucoup question du voyeurisme et du cyber-sexe, tous deux en pleine voie d’expansion…
 
Certes, 2009 n’est pas une année érotique au sens concret du mot et ce qu’on voit fleurir par devant nous n’annonce rien de bon quant à l’Eros vivant, l’Eros de chair et de sang.
Mais souvenons-nous : qui aurait dit en 1967 que 69 serait une année érotique ?
 
Il arrive que les « Cassandre » aient tort.
Je nous le souhaite.