Cap Nègre, la villa Bruni-Tedeschi - Photo © A.F.P. et Michel Gangne.

 

 
 
Ce soir, on commence par sourire pour hurler à la fin.
 
Mes vacances, je les ai passées tout près du Cap Nègre.
Mais tout près, vraiment tout près.
Non que je me sois soudainement convertie à la cause « Bling-Bling » (je suis rentrée le jour où « ils » arrivaient) mais simplement parce que je suis née par là-bas et que, quand vient l’heure de prendre ma dose nécessaire d’UV, c’est vers mes racines que je retourne, sous le soleil exactement.
D’ailleurs, je l’ai écrit ici d’année en année sans penser qu’il y avait un quelconque risque que mon anonymat en souffre.
Vous y étiez et croyez pourtant m’avoir reconnue ?
Bingo !
Oui, la quadra celluliteuse en tanga rose indien qui se faisait toaster aux mauvaises heures, c’était bien moi !
Ou (dans la version pour ceux qui m’auraient ratée) : Non, la baleine turquoise à paillettes que vous avez aperçue n’était pas un canot pneumatique pour deux passagers mais c’était moi…
 
A part ça, je suis si peu « pipolisante » que j’ignorais que l’une des luxueuses tanières accrochées aux flancs du fameux cap appartenait à la famille Bruni-Tedeschi.
Je l’ai appris le jour de mon arrivée, alors que tous les quotidiens locaux publiaient les coordonnées strictes des zones interdites de survol.
C’est que quand le Monarque débarque, le populo a intérêt à tenir ses marques…
 
Mon second exploit est de n’avoir à ce jour entendu aucune des chansons de la Première Dame. 
Dans cette zone du Var, c’est simple : vous ne pouvez écouter que la radio Bleu-Provence et elle ne fait pas dans la minauderie psalmodiée mais dans les bons vieux classiques du terroir.
 
Il paraît que l’album ne marche pas du feu de Dieu.
Pourtant avec la promo des 38 CD distribués et dédicacés à la fin du dernier Conseil des Ministres avec photo reprise dans tous les journaux, on pourra dire que le Roi a fait ce qu’il a pu pour que Marie-Antoinette s’amuse…
Et pendant que la belle régalait les sinistres, lui a pensé à faire de même avec son nouvel ami Carpette, euh… je voulais dire Tapie.
 
C’est mignon et chou comme tout ces choses-là et sincèrement, il n’y a pas de quoi fouetter un chat (n’oublions pas que l’on est sur un blog BDSM !), juste de quoi sourire à l’heure du pastis…
 
C’est que ce sont les vacances et que tout a été si gris cette année que l’on a bien le droit à un peu de paix, de repos et de magie ensoleillée pour cette pause.
Même si tout au long de la route, les pompes à essence se chargent de nous entretenir dans la déprime et qu’à l’arrivée la note des courses au supermarché bondé d’estivants a de quoi provoquer ce que l’on nomme, faute d’en savoir plus, un malaise vagal.
 
Alors, vive le pastis.
Le problème, c’est que c’est à la rentrée qu’on va trinquer.
 
Il y a une stratégie Sarkozy.
Peu de gens l’ont vue.
La droite cherche à nous en mettre plein les mirettes avec sa rapidité d’exécution des réformes, ses promesses de candidat tenues.
En vérité, ce n’est pas du tout cela.
 
Il s’agit d’obtenir l’inertie de l’adversaire.
Sarkozy procède par rafales.
Une réforme est lancée. Une mobilisation contre celle-ci se met en place.
Le temps qu’elle aboutisse, deux autres réformes sont apparues.
Le résultat est une protestation toujours à contre-courant.
 
Vous en êtes encore à beugler contre les 9000 postes d’enseignants supprimés pour la rentrée à venir ?
Darcos en a déjà supprimé 12000 autres pour la rentrée suivante.
Vous manifestez contre les menaces sur les retraites ?
Vous n’avez pas les bonnes banderoles. C’est le droit du travail qui vient d’être ramené un siècle en arrière ce jour-là.
Vous pétitionnez contre l’autonomie des universités à financer leurs enseignements qui entraînera la disparition des filières non rentables?
Cette fois-ci, c’est le financement de la sécu qui reçoit le coup de grâce.
Et ça continue ad libitum.
 
Ma chronologie est totalement fausse mais elle donne une assez bonne idée du système Sarko.
Il utilise notre habitude de nous en remettre aux syndicats pour nous organiser (et l’habitude de ceux-ci de palabrer en d’interminables « intersyndicales » afin de fixer une date) pour nous prendre à rebours.
Nos actions sont fatalement vaines car lorsqu’elles interviennent, elles sont déjà dépassées : la réforme est tout juste sur le point d'être entérinée..
Et à la fin, on en arrive à sa petite phrase sur « les grèves qui ne se voient plus ».
En réalité, ce n’est pas qu’elles ne sont plus visibles mais qu’elles ne sont plus lisibles.
 
Si les syndicats « en » avaient, ils nous concocteraient (oubliant pour une fois leur place sur le podium aux élections professionnelles, prudhommales etc.), une belle et grande grève générale contre TOUT.
 
TOUT, c'est-à-dire en vrac ce que j’ai cité plus haut mais encore :
les mesures Hortefeux, les centres de rétention, les fichiers qui peuvent toucher tout citoyen, la chasse aux « mauvais » chômeurs, l’arnaque des 235 jours de travail pour les cadres et agents de maîtrises dont les heures sup seront payées 10 pour cent de plus, la ponction sur les mutuelles pour financer le trou de la sécu (qui paiera au finish ?), l’infâme réforme du mode de recrutement des futurs enseignants, les diverses réformes des différentes étapes du cursus scolaire, les franchises médicales, la disparition des hôpitaux de proximité, le flicage informatisé des médecins prescrivant des arrêts de travail, l’enterrement de première classe de la réflexion sur la pénibilité et le stress au travail, le regroupement des tribunaux, les normes sur le cumul emploi-retraite (pourquoi ne pas avoir tout simplement une retraite décente ?), les menaces sur les cotisations retraite, sur l’âge du départ à la retraite, les droits d’inscription à l’université, les plafonds abaissés pour l’accès à une HML, le bluff Boutin de la maison à quinze euros par jour, la télé publique confondue avec la télé privée, l’indigente politique culturelle, la grotesque décimation de la Grande Muette etc. etc. et j’en oublie fatalement (vous pourrez compléter la liste)…
 
Parce que Sarkozy en un an, ça a déjà été TOUT cela mais aussi deux énormes mensonges sur les slogans de sa campagne électorale :
- Qui peut réellement dire avoir cette année « travaillé plus pour gagner plus » ?
- « Ensemble, qu’est-ce qui a été possible ? », à part une immense satisfaction affichée par le seul MEDEF ?
 
Si l’affaire Tapie est un épiphénomène, ce qui ne fait pas l’ombre d’un doute c’est que Sarkozy est le Président des riches.
Et il n’y en a pas cinquante-trois pour cent en France.
 
Alors, forcément, un de ces jours nous allons en avoir assez de nous en prendre plein la gueule.
Et de marcher vers toujours plus de précarité, de paupérisation.
Quatre ans de plus comme ça, c’est inenvisageable, impossible.
En quatorze mois seulement, ce sont 90 années d’acquis sociaux qui sont parties en fumée.
La cocotte minute est prête à exploser.
 
Une fois oubliés la plage, les coquillages et crustacés, le retour de Cap Nègre pourrait être plus dur qu’on ne le pense.
 
Pour nous si nous ne faisons rien.
 
Ou pour lui.
Mais seulement si nous le voulons.