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BDSM et Politique: Premier mai (1968? 2008?).

 

Premier mai, muguet!

Photo © Giorgio Venturini

 
        
“Il potere  agli operai, no alla scuola del padrone,
Sempre uniti vinceremo, viva la rivoluzione.”
Canzone di Valle Giulia* (Alfredo Bandelli).
 
 
 
Je regardais, il y a quelques heures, le documentaire de Arte « 68, année zéro ».
Il ne repassera pas mais ceux ou celles qui l’ont manqué et qui seraient intéressés peuvent le voir sur le site web de la chaîne pendant les sept jours à venir.
 
Je l’ai trouvé en tous points remarquable.
Arte a scindé ses soirées consacrées aux événements de 1968 en deux thèmes : la « révolution » politique et la « révolution » sexuelle.
C’est à la première catégorie que celui-ci appartenait et c’était de loin le meilleur de ce qui a été diffusé jusqu’ici.
Evitant l'écueil de nous ressasser -procédant ainsi à l'enterrement de première classe que notre cher Président souhaiterait- les habituels documents avec les mêmes images des leaders honnis de l’époque (honnis aujourd'hui parce qu’ils ont tous peu ou prou retourné bien vite leur veste), le film montrait la trajectoire de quelques témoins lambda de cette année-là et de celles qui suivirent (jusqu’à nos jours) : deux Français, une Allemande, une Italienne et deux « Tchécoslovaques ».
 
En les écoutant à la veille du premier mai, me venait cette réflexion qui me tient particulièrement à cœur au fur et à mesure que le temps passe.
Le fait d’avoir en moi cet érotisme BDSM, hors norme donc, ne m’a jamais posé de problème en ce qui concerne le tabou sexuel.
Je n’en ai jamais eu honte, je n’ai jamais désiré renoncer, mettre sous le boisseau cette partie de moi si peu conventionnelle.
En revanche, j’ai eu (et ai de plus en plus) vraiment du mal avec le mot « soumission ».
Je sais que, malgré moi,  j’entends tout d’abord dans ce substantif son sens social et politique.
Je n’y peux rien, c’est ainsi et sous cette forme, il ne me va pas du tout.  
C’est sans doute pour cela que je lui préfère celui de masochiste, qui n’a pas une telle connotation.
 
Dans le documentaire, un ouvrier de chez Peugeot racontait à peu près en ces termes ses "débuts" avant sa prise de conscience de classe et son adhésion à un syndicat :
« On ne bavardait pas trop de ça alors parce qu’on se méfiait des chefaillons, ils venaient dès qu’ils voyaient un groupe et disaient -Vous êtes payés pour travailler, pas pour garder les mains dans vos poches- et on regardait tous si on n’avait pas les mains dans les poches. Soumis, quoi… ».
Quant au mot « soumission » lui-même, il revenait à plusieurs reprises dans le film comme un constat et comme le refus de ce constat.
 
68 est très loin mais je ne suis pas pour autant convaincue qu’il ne faille pas changer la société.
Je dirai même que cela devient une urgence.
Et qu’il n’y a aucune place pour la soumission.
Soumise, je ne le serai donc jamais.
 
Quant au monde BDSM et si tant est que j’y sois « classable » comme soumise, alors, je ne pouvais être que celle de M.
Non que nous soyons un couple modèle et exceptionnel qui aura toujours vécu sans tensions et reproches, loin de là !
 
Mais une chose est sûre.
C’est avec lui et avec lui uniquement que je pouvais vivre une relation de type BDSM qui s’inscrive dans la durée.
Parce que nous partageons exactement les mêmes opinions et les mêmes combats, il est un doute qui ne m’effleurera jamais : celui qu’il mette derrière l'acte de « domination » -même de la manière la plus infinitésimalement larvaire, même inconsciente de chez Inconscient- une autre acception que celle de l’Eros.
Et cela, pour moi, c’est tout.
 
Allez, bons défilés et bon muguet à vous.
Mai 2008 ?
Il y a du pain sur la planche.
 
 
 
 
 
"Chanson de Valle Giulia" - diffusée pendant l'émission :
« Valle Giulia » (et la violente confrontation étudiants-policiers qui s'y déroula le 1er mars 1968) est considérée en Italie comme l’équivalent de notre mai de la même année.
 
 
 

 

AURORA | 5/1/2008
pour moi le 1er mai chez toi : muguet de cire
bon 1er mai à toi ma belle
continuons...
jeanne | 5/1/2008
Heureux premier mai ensoleillé à vous, cara, gardons le poing fermé haut levé !
Idalie Felix | 5/1/2008
Ce que je vais écrire n'engage que moi. Les situations sociales, societales, économiques, les énormes disparités de mai 2008 feraient presque passer mai 68 pour du petit lait. Mais comment s'y prendre aujourd'hui avec l'individualisme ambiant ?
Joel Faure | 5/1/2008
Cher Joël,

1968, 2008…
Ces deux périodes ne sont historiquement pas comparables, il faut insister sur ce point.
Pour ce qui est de la situation actuelle, vous avez raison. Absolument. A première vue, nous sommes assis sur une poudrière et pourtant rien ne bouge.

Aujourd’hui, il faut bien voir deux choses.
La première est que la « classe ouvrière » a disparu.
Or, elle était active, structurée, solidaire.
La mosaïque sociale des plus défavorisés qui l’a remplacée est disparate et non organisée.
Les syndicats n’ont presque plus d’adhérents.
Ce n’est pas tout à fait innocent. De petites grèves symboliques en négociations dans lesquelles ils ont peu à peu tout lâché, ils suscitent la défiance.
J’avoue être la première à les regarder de travers même si je m’associe toujours à leurs actions, (avec le sentiment de me « faire avoir »).
Et puis, c’est bien la CGT qui a fait « capoter » 68, les ambiguïtés syndicales ne datent donc pas d’hier…

La seconde est que les gens en 2008 ont peur, aussi peur que l’ouvrier que je cite dans ma note avait peur des chefaillons.
Quand ils n’ont pas peur des boucs émissaires qu’on leur désigne (l’élection italienne s’est gagnée récemment sur la manipulation de la terreur et de la haine que la présence des « extra-communautaires » éveille), ils ont peur pour leur emploi, leur avenir…
Peur au point d’avoir élu Sarko-Providence l’an passé.
Et au bout d’une année, peur de perdre « tellement » qu’ils baissent les yeux pour faire mine de ne pas voir que chaque jour, ils se résolvent à accepter de perdre « un peu » et qu’au bout du compte, l’addition sera tout de même égale au fameux « tellement ».

L’individualisme (je sais que c’est l’une des principales accusations que Sarkozy porte contre « les héritiers de 68 ») ?
Mais ce n’est pas forcément un défaut, cela peut être une qualité, la preuve d’un esprit critique.
Et ce n’est pas fatalement le synonyme de l’égoïsme : l’individualisme n’empêche pas d’agir en chœur quand le besoin s’en fait sentir.
Dans l’émission que je relate ci-dessus, l’Italienne concluait par ces mots :

« Je ne sais pas si je me définirais comme militante. Je fais des choses...
Militante, c’est l’idée que quelqu’un doit suivre une ligne politique et des préceptes.
Moi, ça, c’est pas trop mon genre.
Je fais ce qui me semble être juste au moment où je le fais. »

Je me sens très proche d’elle dans ce qu’elle dit (et je peux même -sourire- appliquer ces phrases à mon BDSM) et je ne me sens pourtant aucunement démotivée pour l’action…

Comment s’y prendre ? -demandez-vous…
J’ai confiance dans le fait que tôt ou tard les gens n’accepteront plus que l’on se fiche d’eux. Si ce printemps ne donnera rien selon moi, il se peut que l’automne à venir soit, lui, nettement plus chaud.
Et sinon, ce sera pour le printemps prochain avec la seconde « saignée » chez les fonctionnaires, surtout dans l’Education Nationale où l’on va vers un carnage…

Ceci n’engageant que mes dons de voyance, évidemment…
AURORA | 5/1/2008
Comment s'y prendre ?

"Si je suis descendu, je ne regretterai rien. La termitière future m'épouvante et je hais leurs vertus de robot. Moi, j'étais fait pour être jardinier" a écrit Prévert. Et bien, nous y voici, dans son futur. Nous y voici sur cette termitière...

Je suis très pessimiste sur l'avenir du genre humain. Ce matin encore, (comme presque tous les matins finalement, la radio me rappelle que tout ça va mal finir) a été évoqué le souvenir de Stefan Zweig qui a écrit des choses remarquables et s'est suicidé devant la montée du nazisme.
Bien sûr, nous n'en sommes pas là, mais...

Moi aussi, je fais des choses, comme l'Italienne de votre émission. Je reprends à mon compte mot pour mot ce qu'elle dit.

Si je suis fondamentalement pour les vertus du travail, si je porte le plus grand respect pour l'ouvrier et son ouvrage, je n'ai jamais adhéré à un syndicat. Je crois plus en la force d'un instant, d'un dialogue.

Mes fatigues ne me permettent plus que d'inventer des "contre-univers" destinés à compenser ce que l'histoire n'a pas su, ne sait pas, ne saura pas nous donner...







Joel Faure | 5/1/2008
Cher Joël,

Si c'était possible ici ( s'il y avait le smiley adéquat dans la petite liste), je vous aurais volontiers offert un second brin de muguet pour ces mots...
Chacun d'entre nous apporte comme il peut, comme il veut, sa pierre à l'édifice.
Et je ne suis pas pessimiste: un de ces quatre, on finira bien -de caillou à caillou- par se faire passer la nouvelle que sous les pavés, il y a toujours la plage !

AURORA | 5/2/2008
Juste pour dire le plaisir de vous retrouver de nouveau sur la brèche de la pensée et de la parole. la lutte continue / lotta continua ! Jean
Jean | 5/4/2008
KarmaOS