BDSM: Le ludique et le ridicule...
Photo © ???
Photo © Psychologies No 259
En matière de blog (j’écris bien de « blog », je ne connais pas tous les sites persos), je pense que j'ai été la première en France dès 2003 à avoir tenté de dédramatiser le BDSM aux yeux du grand public ici (non, il n’y a aucune fatuité dans cette remarque mais un simple constat).
Et je demeure fidèle à cette ligne, celle de la non-orthodoxie SM.
Je ferraillais encore il y a quelques minutes sur un « thread » transalpin qui affirmait une nouvelle fois que le BDSM se vivait sans sexe ou alors uniquement jusqu’au moment du plaisir du « Maître » et que, puisque celui-ci seul avait de l’importance, cela coupait immédiatement court au rapport.
Toute image de « douceur » tenant lieu d’emblème au BDSM m’a autrefois touchée personnellement.
Je me souviens des nounours que l’on trouve un peu partout sur le Web et que nous avons placés là dans la colonne de notre blog d’archives toujours en 2003.
Six mois auparavant, pour notre premier Noël, M. me les avait offerts, habillés de cuir et « enchaînés » par ses soins et cela avait été pour moi un merveilleux cadeau d’amoureux
.
Mais
Il y a 18 mois-2 ans, on a commencé à voir partout ce petit canard.
Oh ! Il était bien sympathique et, pensais-je, à prendre au second degré
D’autant plus qu’il n’était que la version SM du même « duck » jaune, bleu ou rose, gadget en marge de cette nouvelle vague qui envahissait les boutiques supplantant par le mot anglais « sextoy » l’ancien vocable « vibromasseur » qui sonnait, il faut le dire, un peu catalogue VPC de Tourcoing
J’aurais dû me méfier de ce « toy » qui veut dire « jouet ».
Pourtant c’est bien de « jeu » qu’on parle en matière de BDSM. Alors, j’ai manqué de flair et je n’ai rien vu venir.
J'avais cependant déjà lu, à droite et à gauche sur la Toile, des textes qui m’avaient fait penser « Aïe !, certains mélangent tout ».
Cela émanait de vagues couples « coquins » qui « jouaient » au SM comme on joue aux cartes.
Ça m’avait fait hausser les épaules -comme l’autre extrême, les abrutis du manche ou les illuminées des lanières- et je n'avais pas vu la tournure que pourraient prendre les choses
Comme toujours, dès que quelque mode se répand (ici celle du SM "pour tous"), certains y voient dans l'instant possibilité de commerce.
Le BDSM ou le SM « traditionnel », si j’ose dire, ayant ses boutiques ou ses bricoleurs du tout-fabriqué-maison, c’est vers les amateurs que l’on se tourne et, de plus en plus, on voit fleurir des objets qui ont un rapport direct avec le BDSM mais auxquels l’on défalque leur poids d’ « obscurité » en les nommant « ludiques ».
Le mot est jeté.
La fessée, le bondage, la flagellation sont devenus, commercialement parlant, « ludiques » en quelques mois.
Dans le cahier « sexo » de son numéro du mois de janvier 2007, la revue « Psychologies » nous présente la photo reproduite ci-dessus pour vanter les mérites du site « Piment Rose ».
Je suis allée sur ce site, principalement fait pour décomplexer les femmes en matière d’achat en ligne d’objets érotiques.
La seule page d’accueil indique déjà ce fameux « ludique ».
Et dès que l’on entre sur le site, si l’on veut y retrouver les deux « jouets » mis en valeur dans le magazine cité, il faut aller dans le menu de droite à la rubrique « Ligne Ludique » composée de deux onglets : « Bondage » et « Jeux ».
Vous chercherez vous-mêmes sur Google le site en question et les images de ce qui s'y rapporte au Bondage (les jeux, ce sont des jeux de société pour adultes).
Mis à part le fait que tout y est proposé en vrac et de façon redondante (bondage, spanking, fessée, masques etc.), l'ensemble est dans le style de la photo scannée d'après la page de la revue « Psychologies » et même pire pour certains « kits » très... kitsch .
Ludique, donc.
Seulement, l’affaire (certainement juteuse
financièrement) me dérange un peu.
Déjà, le petit canard, c’était « just » mais bon, pour sourire et en guise de déco provoc', pourquoi pas ?
Parce que je n’ose pas imaginer une seule seconde même le plus « soft » des pratiquants SM ou BDSM intégrer la bestiole dans ses « jeux » (moi qui me pensais justement « ludique » jusqu’à une date récente, si jamais M. m’avait sorti la bébête dans le feu de l'action pour accompagner mes ardeurs, il n’aurait pas été déçu du voyage
la meilleure preuve étant que, lui qui fait tout pour me faire plaisir, a eu la juste idée que ce n’était pas pour nous et ne m'a même jamais parlé de ce pseudo-Donald !).
Là, avec ce martinet rose, ce paddle zèbre, les limites sont atteintes.
Je ne jette pas la pierre à « Piment Rose », notez-le bien.
Sans doute qu’une recherche plus soignée sur Internet me permettrait de trouver exactement les mêmes « jouets » ailleurs
Deux questions demeurent sous jacentes : que l’on doive ou non « décomplexer » les femmes et rendre « ludique » le BDSM et ses « jeux ».
A la première, je répondrai « oui, bien sûr » si tout cela n’était pas fait dans un but commercial.
A la seconde « non » définitivement (pas plus le BDSM que l’érotisme quel qu’il soit d’ailleurs).
Il existe dans l’Eros une part de mystère et de fête païenne pour certains et pour d’autres la même part de mystère alliée à une aura de mystique.
Là dedans, ne reste aucune place pour le « ludique » entendu comme logique marchande du début de ce XXIème siècle.
Sur ces points, je suis terriblement « orthodoxe ».
Regardez bien ces photos : imaginez-vous le martinet rose à la main ou bien prenant vingt coups de paddle faux-zèbre sur les fesses.
Allons
Entre « ludique » et « ridicule », il y a cinq lettres communes.
C’est beaucoup.
PS : De la lecture sur Oiselle
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