Couverture \302\251 Editions Seuil
Et voici que pour \302\253 recommencer \302\273 apr\303\250s plus d’une semaine d’absence, je vais \303\240 nouveau surprendre, voire d\303\251cevoir en ne parlant pas de BDSM.
J’avais emport\303\251 deux livres avec moi pendant ces vacances sans savoir que le destin, curieux, leur donnait la m\303\252me tonalit\303\251.
Pourtant, il s’agissait et d’un roman et d’un essai.
Le roman, je le pr\303\251sente ici ce soir, l’essai parce qu’il s’accompagne pour moi de questions quant \303\240 la m\303\251diatisation et la diff\303\251rence que celle-ci applique \303\240 telle ou telle personne, je le r\303\251serve pour mon blog \302\253 Oiselle \302\273 le plus vite possible.
\302\253 Ils sont votre \303\251pouvante et vous \303\252tes leur crainte \302\273 est un roman de Thierry Jonquet paru il y a une quinzaine de jours aux Editions du Seuil.
Roman noir, titre l’auteur.
Polar social comme tous les livres de Thierry Jonquet, ex-militant d’extr\303\252me-gauche qui, depuis un certain temps d\303\251j\303\240, tend \303\240 notre soci\303\251t\303\251 le miroir de ses crises et de ses erreurs fatales.
Il y a quelques ann\303\251es, j’avais aim\303\251 de Jonquet \302\253 Les orpailleurs \302\273 d\303\251couvert en poche \302\253 S\303\251rie Noire \302\273 qui m’avait entra\303\256n\303\251 vers le dernier sorti d’alors \302\253 La vie de ma m\303\250re \302\273. Depuis, j’ai tout lu.
Je suis tr\303\250s sensible \303\240 ce type de \302\253 polars \302\273 si l’on peut encore [rien n'est moins s\303\273r] les nommer ainsi (j’appr\303\251cie aussi beaucoup dans le m\303\252me genre Jean-Bernard Pouy, ils sont plusieurs auteurs \303\240 tenir de cette \302\253 \303\251cole \302\273 et au fond quelque part, bien que non parisien, Jean-Claude Izzo \303\251tait \302\253 aussi \302\273 de celle-ci\302\205)
\302\253 Ils sont votre \303\251pouvante\302\205 \302\273 fonctionne comme une trag\303\251die classique. Les personnages apparaissent peu \303\240 peu, plant\303\251s dans un d\303\251cor uniforme, deux communes imaginaires voisines, quelques kilom\303\250tres carr\303\251s du 9-3, d\303\251cor qui rev\303\252t pourtant de multiples facettes.
Ce pourrait \303\252tre une simple histoire de commissaire poursuivant des \302\253 mafieux \302\273 ou bien une histoire de violence ordinaire dans un de ces coll\303\250ges laiss\303\251s \303\240 l’\303\251cart des lois de la R\303\251publique ou encore l’illustration de la querelle stupide que se livrent trois des communaut\303\251s qui vivent en France, la juive, l’africaine et la maghr\303\251bine, communaut\303\251s qui devraient, qui pourraient vivre totalement en paix mais qui sont d\303\251chir\303\251es par les \303\251v\303\251nements ext\303\251rieurs se d\303\251roulant dans d’autres pays dont ils se revendiquent, parfois sans tr\303\250s bien comprendre, parfois en comprenant tr\303\250s bien et en manipulant leurs \302\253 fr\303\250res \302\273 dans des buts soit inavouables soit terribles.
L’\303\251picentre du roman est le coll\303\250ge Pierre de Ronsard, l\303\240 o\303\271 cette \302\253 guerre \302\273 sourde et aveugle n’aurait jamais d\303\273 entrer si le lieu \303\251tait demeur\303\251 l’espace de la\303\257cit\303\251 qu’il n’aurait jamais d\303\273 cesser d’\303\252tre, les personnages principaux, le professeur de Lettres Anna Doblinsky, \303\240 peine sortie de son IUFM et ses \303\251l\303\250ves.
Je le dis tr\303\250s clairement : ce roman est vraiment tr\303\250s noir m\303\252me si la tendresse que nous avons pour l’humanit\303\251, pour la jeunesse nous font souvent sourire durant les deux premiers tiers\302\205
Le troisi\303\250me, h\303\251las, d\303\251bute par cette phrase et l\303\240, les d\303\251s sont jet\303\251s:
\302\253 Le jeudi 27 octobre, vers dix-sept heures trente, \303\240 Livry-Gargan, \303\240 quelques kilom\303\250tres de Cerigny, trois adolescents de Clichy-sous-Bois, cours\303\251s par la police dans des circonstances obscures, mais suffisamment effray\303\251s pour trouver la force d’escalader un mur de deux m\303\250tres de hauteur, se r\303\251fugi\303\250rent dans l’enceinte d’un transformateur d’EDF \302\273.
Thierry Jonquet - \302\253 Ils sont votre \303\251pouvante et vous \303\252tes leur crainte \302\273 - page 214- Editions du Seuil \302\226 Octobre 2006.
Il n’y a bien \303\251videmment pas grand-chose \303\240 ajouter sauf \303\240 d\303\251voiler une intrigue sobrement et remarquablement camp\303\251e qui nous fera chavirer dans l’enfer et le massacre des innocents de tout bord.
Polar social, oui. Roman noir, oh ! que oui !
Mais pas seulement.
Ce livre ne traite pas que des banlieues, que des \303\251meutes de 2005 m\303\252me sous un biais romanc\303\251. Et il n’y a aucune commis\303\251ration, aucun apitoiement \302\253 guimauve \302\273 en lui.
Aucune exploitation malsaine de faits divers non plus : il y a assez longtemps que Thierry Jonquet a choisi son \302\253 terreau \302\273 d'inspiration pour lui faire gr\303\242ce de cette fallacieuse accusation.
Ce roman est tout autre chose : un vibrant plaidoyer contre l’obscurantisme, un appel au courage, non celui des politiques ind\303\251niablement coupables depuis des lustres, mais le n\303\264tre, celui des simples citoyens.
Il est quelque part une lueur : celle de ces vers de Victor Hugo d\303\251di\303\251s \303\240 ceux de La Commune (vers o\303\271 le titre du livre de Thierry Jonquet prend sa source) et qui tout en accusant, nous donnent aussi un peu de clart\303\251 pour r\303\251agir apr\303\250s la lecture qui laisse abasourdis de ce qui est nomm\303\251 en page 4 par l’\303\251diteur \302\253 ce roman dit des territoires que la R\303\251publique se doit de reprendre au plus vite \303\240 la Barbarie. \302\273 :
\302\253 Le substitut d\303\251laissa son paquet de Gitanes (\302\205) Il avait saisi un des tomes des \302\234uvres compl\303\250tes de Victor Hugo. Il le feuilleta \303\240 toute vitesse, et ne tarda pas \303\240 y trouver le passage qu’il y cherchait. Un flot de vers qui vous laissaient sans voix.
Etant les ignorants, ils sont les incl\303\251ments ;
H\303\251las ! combien de temps faudra-t-il vous redire
A vous tous, que c’\303\251tait \303\240 vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cit\303\251,
Que votre aveuglement produit leur c\303\251cit\303\251 ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur f\303\256tes.
Vous ne les avez pas guid\303\251s, pris par la main,
Et renseign\303\251s sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laiss\303\251s en proie au labyrinthe.
Ils sont votre \303\251pouvante et vous \303\252tes leur crainte ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternit\303\251.
Ils errent, l’instinct bon se nourrit de clart\303\251\302\205 \302\273
Thierry Jonquet - \302\253 Ils sont votre \303\251pouvante et vous \303\252tes leur crainte \302\273 - page 247 - Editions du Seuil - Octobre 2006.